Oui, oui, vous avez bien lu : malgré tous les torts qu'on lui reproche, il y a quand même quelque chose que la clope permet de faire plus aisément et qui sera plus difficile lorsqu'elle sera devenue illégale : approcher quelqu'un, voire nouer des liens.
Récemment, j'étais sur la terrasse d'un bar bien connu de Montréal, à discuter avec mon amie M. sur le fait qu'on se sentait un peu comme des cougars auprès de cette petite jeunesse qui s'égayait dans le Quartier latin avant de commencer la nouvelle session ou de finir celle du printemps dernier, et d'un coup, comme ça, avec mon verre, j'ai eu envie d'une clope.
Tant qu'à devoir en quêter une disgracieusement (on dirait que ce n'est plus vraiment à la mode les je-t'achète-une-clope-pour-25-cents, on te regarde tout de suite comme si tu venais d'une autre planète), je me suis dit que j'allais en quêter une auprès d'un beau monsieur. T'sais, aussi bien faire une pierre deux coups.
J'avais spoté le type avec un chapeau. J'aimais son style. Et il fumait.
Je lui demande une cigarette. Échange de banalités.
Tu as un accent, tu viens d'où ?
De Turquie.
Oh ! Tu es en voyage ?
Non, j'habite ici.
Depuis longtemps ?
Quelques années.
En fait, ce n'est même pas au beau monsieur que j'ai parlé, mais à son ami sexagénaire; lui, il n'avait plus de cigarettes. Demande à mon ami, qu'il a dit.
Sur un "merci, bonne soirée", je suis partie fumer ma cigarette, rendue meilleure par la déception.
Plus tard, v'là-tu pas que le beau monsieur turc apparaît devant nous et nous demande s'il peut s'asseoir. Mais bien sûr. Avec grand plaisir. Ramène ton ami sexagénaire.
Tout le monde parle, on ne comprend pas grand-chose, mais on a ben du fun.
Tout le monde parle, et moi je le regarde. Il est si beau, avec ses grands yeux perçants, ses grands yeux noirs et profonds dans lesquels transparaît une émouvante sensibilité.
Trois heures arrivent, déjà. Je lui donne mon courriel, il me donne son numéro.
Le lendemain, j'avais déjà un message de lui. On s'est écrit toute la semaine. Et on s'est revus.
J'ai bavé toute la soirée en admirant sa beauté. On a bien discuté. Je l'ai mieux compris, cette fois-ci. On a eu beaucoup de plaisir. Lorsqu'on s'est dit au revoir, on s'est donné la bise. Et puis il partait, me tournant le dos, quand il a soudainement fait volte-face pour m'embrasser une fois de plus sur la joue. Et il est parti pour de bon. Grrrr.
On a gardé contact. On va se revoir. Il deviendra peut-être un bon ami, peut-être un bon amant; dans tous les cas, j'aime sa présence.
Et tout ça à cause d'une clope méchante et mortelle.
Quel prétexte inventera-t-on pour approcher subtilement les beaux messieurs inconnus lorsque tout le monde aura arrêté de fumer ? Salut, aurais-tu une gomme ? Un pastille ? Une papermane ? Ou carrément : salut, je te regardais de loin, et je te trouvais pas mal beau, mais je voulais juste te le dire comme ça en passant, pour te signaler que je suis sexuellement disponible et que si ça te tente, on pourrait se draguer un petit peu.
Libre cours à votre imagination débordante.
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