mercredi 25 juillet 2012

Défectuosité

Voilà presque une semaine que j'ai mis un terme à cette relation passionnée que j'entretenais avec Monsieur Z. J'ai pris le temps de réfléchir à ce qui s'est passé... mais je ne comprends toujours pas.

Déjà, je m'étais mis en tête que, pendant ses vacances, il aurait voulu passer du temps avec moi. J'ai cru, fermement et naïvement, qu'il en aurait profité pour faire avec moi certaines activités dont je lui avais beaucoup parlé, telles que faire du vélo au bord du Canal Lachine, aller voir les lotus en fleur au Jardin Botanique, pique-niquer au parc Maisonneuve, visiter Hochelaga et ses trésors cachés. Je me suis pris une claque au visage quand j'ai su qu'il s'était pris un billet d'avion pour aller retrouver son ex.

Il m'a dit : "Ne t'inquiète pas". "On se voit à mon retour". "Tu es belle." "Je suis bien avec toi." "Je veux que tu sois heureuse."

Il m'a embrassée passionnément, affectueusement, et j'ai alors pensé qu'il y avait peut-être quelque chose en plus, un petit truc qui était en train de resserrer de notre relation, de l'amener au-delà du simple "on baise et on se donne des nouvelles, on garde contact", j'ai senti de l'attachement...

Toute la semaine, j'ai pensé à lui. J'avais hâte de le revoir. Après, il avait une autre semaine de vacances. Probablement que pour celle-là, il avait prévu au moins une journée avec moi (que j'ai pensé, dans ma tête tourmentée d'incorrigible romantique-névrosée-obsessive-passionnée-intense). Le lundi de son retour, j'ai même cherché les vols et essayé de voir dans quel avion il aurait pu être. J'ai commencé à penser, à ce moment-là exactement, que la névrose était en train de s'emparer de moi au-delà du raisonnable.

Le lendemain, pas de nouvelles. Le surlendemain, pas de nouvelles. Normal, il faut bien qu'il prenne le temps de revenir (que j'essayais de me convaincre). J'ai fait beaucoup de vélo pour passer le temps. Je suis allée loin; au parc de la Visitation, à Verdun, au bord du fleuve, j'ai fait des aller-retour sans m'arrêter, en pleine chaleur, à peine 5 minutes pour boire. J'ai pédalé fort, en pleurant, en pleurant de découvrir qu'il n'avait pas aussi hâte que moi de me voir. En pleurant d'être aussi tendue dans mon attente angoissée, impuissante, sans que je sois capable d'en sortir, paralysée par la possibilité de le revoir bientôt, par cette éventualité imaginaire qui, de minute en minute, ne se concrétisait pas.

Je m'étais fait de stupides attentes. Erreur suprême.

Je lui ai écrit. Jeudi, on se fait le Canal Lachine à vélo. Réponse : désolé, j'ai autre chose.

Je lui récris : vendredi alors, je te fais un souper, avec un dessert, je fais tout, tu fais rien, je donne tout, tu donnes rien. Réponse le vendredi après-midi : j'ai autre chose. La semaine prochaine, peut-être?

Ça faisait déjà deux semaines que je vivais dans l'attente angoissée, dans l'espoir de le revoir, dans la fébrilité, l'anxiété, la nervosité... j'ai craqué. C'était plus que mon corps et mon esprit pouvaient en prendre. Trop. La goutte qui fait déborder l'hostie de vase de boue. Attendre une autre semaine. Sans même qu'il cherche un moment plus proche pour me voir. Avec, entre les lignes, cette sorte d'indifférence, cette froide distance. Ça a été trop. J'ai craqué.

Je l'ai appelé. J'aurais aimé ça te voir bien avant. La semaine prochaine, c'est loin. Réponse : Ne le prends pas personnellement. Je n'ai donné de nouvelles à personne. Moi : Oui, mais quand même, je m'attendais à plus, tu m'as dit qu'on allait se voir à ton retour, pas deux semaines après ton retour, tu avais l'air attaché, J'ai pensé qu'il y avait plus que rien. Lui : Il y a plus que rien, mais il y a moins que plus. Je suis désolé, les autres filles savent s'en contenter. Moi : mais je ne suis pas les autres filles. Je suis moi. Et cela ne me convient pas. Tu me donnes quelque chose d'exceptionnel, tu es si tendre, si doux, et ensuite je n'ai plus de nouvelles, tu sembles m'éviter, tu es froid. C'est ambigu. Je n'ai pas envie de miettes. Je suis une passionnée, il faut que je consomme jusqu'au bout. C'est tout, ou sinon je préfère rien. Lui : Je n'ai pas voulu te blesser. Je t'avais dit que je ne voulais pas de relation sérieuse. Moi : Eh bien pour moi, "non sérieux" ne signifie pas nécessairement fuckfriends, à l'occasion, quand ça t'adonne. J'ai besoin de consommer jusqu'au bout ce désir pour toi, même si ça ne dure que deux mois. J'ai besoin que tu aies envie de me voir. Ça ne me convient pas. Je préfère qu'on cesse cette relation. Lui : C'est peut-être mieux comme ça. On va continuer à se voir quand même ? Moi : Non. Je dois prendre du recul. Lui : C'est dommage.

Oui, c'est dommage, mais je pense que c'était le mieux que je puisse faire pour garder en état mon équilibre mental.

Pourtant, je regrette un peu. Ce Monsieur Z me donnait quelque chose que je n'ai jamais trouvé chez un homme. Il était spécial pour moi. Il était extraordinaire.

On dirait que tout est de ma faute. Que je me prive d'une chose, d'un rêve, d,un bonheur à cause d'un handicap émotionnel. Je suis trop gourmande. Trop romantique. Trop intense. Trop toute. Je me donne jusqu'au bout. Je me donne même lorsque je n'ai plus rien à donner. Je donne même quand je ne reçois rien. Je donne jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien de moi. Je me vide de ma substance, et quand il ne reste que ma peau, je n'ai plus qu'à m'étendre à terre pour servir de carpette.

C'est dans ce schéma que j'allais tomber. J'ai mis un frein avant de me détruire complètement. Avant d'être réduite en une boue abjecte et de devoir me reconstruire de A à Z. Encore et encore.

Je suis fière, parce que j'ai vu le désastre arriver, et je n'ai pas laissé faire. J'ai été forte. Je me suis  respectée.

Mais je m'en veux, je me déteste, je hais cette défectuosité, cette fragilité, cette vulnérabilité, ancrée profondément en moi, qui m'empêche de vivre ce qui aurait pu être un moment inoubliable avec Monsieur Z. Je préfère n'avoir rien que des miettes.

Je me sens déjà plus légère. J'essaie de remplir ma vie de toutes les façons possibles. J'essaie de l'oublier.

J'essaie de trouver les ressources qui feront de moi une amoureuse, une maîtresse, une romantique plus forte.

3 commentaires:

  1. Tu ne te prives tellement pas. Est-ce se priver que d'éviter les manques, les attentes, un gars qui n'a rien à donner, tout à prendre, qui ne veut pas te faire plaisir, mais juste se faire plaisir ? Ce n'est pas se priver je trouve !

    RépondreSupprimer
  2. Tu as raison, IM! Vu comme ça, je me prive effectivement d'une situation qui me rendait plus anxieuse, mais le véritable problème, en fait, c'est que je n'arrive pas à faire la part des choses, à discerner jusqu'à quel point ces manques, ces attentes, cette inégalité dans le don de soi viennent de moi. Peut-être que j'en demande trop. Que c'est moi qui donne trop. Et dans cette perspective, je me prive de sa présence parce que je suis incapable de modération. Enfin, je réfléchis à tout ça, j'essaie de m'améliorer, de chercher ce qui cloche, ce qui vient de moi, ce qui vient de l'autre. Chose certaine, je me sens beaucoup mieux depuis que je ne suis plus dans l'attente !

    RépondreSupprimer
  3. Je suis habitée par un cri.

    Chaque nuit il sort, les ailes battantes, à la recherche, avec ses crochets, de quelque chose à aimer.

    Je suis terrifiée par cette chose noire qui dort en moi.

    — Sylvia Plath, Ariel

    RépondreSupprimer