jeudi 8 novembre 2012

Sexy

Cruiser un beau gars au travail.

Penser que l'affaire sera bientôt dans le sac.

Aller aux toilettes et constater, en admirant son reflet dans le miroir, un bout de persil aussi gros que la dent sur laquelle il repose, criminel.

Retourner devant son ordinateur en essayant de se convaincre du fameux proverbe : un de moins, dix de retrouvés.

Tel est mon karma.

samedi 3 novembre 2012

Mon corps à la science

Mon corps est un laboratoire.

J'essaie. J'expérimente.

Je le laisse entre leurs mains. J'explore leur touché. Leurs baisers. Leur tendresse ou leur rudesse. Leur passion, leur insécurité, leur empressement, leur désir brûlant.

Je me donne à eux, je les laisse faire ce qu'ils ont à faire, ce qu'ils pensent qu'ils doivent faire ou qu'ils aiment faire.

Pendant ce temps, j'analyse. J'observe mes réactions. Je note ce que j'aime, ce que j'aime moins. Je me laisse surprendre. Et parfois, même, j'ai du plaisir.

Je m'offre comme sujet d'étude. C'est pour une bonne cause. Pallier l'ignorance. Je suis curieuse. J'ai besoin d'en savoir davantage. De posséder un échantillon crédible. Une expérience solide.

C'est pour mieux me connaître. Pour mieux savoir ce que je suis en mesure d'accepter, de tolérer, d'assumer. 

Et j'apprends.

À dire oui, à dire non. À m'abandonner dans leurs bras sans penser au lendemain, sans espérer de lendemain.

À être là, maintenant.

J'apprends à apprécier ce que les hommes ont à donner. À accepter les limites de ce qu'ils peuvent offrir.

 Dans mon laboratoire, j'ai été agréablement surprise de la sensualité de certains. Les tactiles. Ceux qui aiment toucher. Qui aiment caresser, sentir, faire les choses lentement.

J'ai été plus entreprenante avec ceux qui n'osent pas trop.

J'ai été saisie par la rudesse d'autres. Ceux qui veulent prendre les femmes sans même se donner la peine de les déshabiller. Qui nous touchent à peine.

Ils répondent à mon sondage, honnêtement, quoique parfois un peu pressés, et puis repartent sans demander leur reste. Partent sans plus jamais donner de nouvelles.

Mais moi, j'en tire un grand profit. Je prends des notes. Je laisse l'expérience m'endurcir. Moi aussi j'en profite. Je ne subis pas.

Et en voyant le tout comme une expérience, avec essais et erreurs, j'apprends à créer la distance nécessaire pour cesser d'avoir mal.

Peut-être, chers hommes, que je finirai par vous accepter avec votre incapacité à rester.

Par vous pardonner, même.

jeudi 25 octobre 2012

One night stand

Bon.

Je viens de comprendre un truc.

Mes amis viennent de m'expliquer que ce que j'ai vécu samedi soir, c'est ce qu'on appelle un one night stand.

Tu ramènes un gars que tu viens tout juste de rencontrer chez toi et tu baises.

Le lendemain, le gars décalice et ne donne jamais plus de nouvelles, parce qu'en fait il s'en crisse de ta personne médiocre pas assez bien pour lui.

Pis ça, là, il paraît que c'est normal.

Que je suis donc naïve !

Merci Seigneur de m'avoir permis de vivre cette expérience enrichissante grâce à laquelle mon savoir sur la vie s'est amélioré.

Dorénavant, je suis encore plus dégoûtée des relations hommes-femmes.

Et moi qui me donne toujours la peine d'envoyer un petit mot : Eh ! Beau monsieur, j'ai passé une belle nuit en ta compagnie.

Me semble que ça donne un peu d'humanité au sexe ? Un peu de décorum à ce qui semble être devenu d'une banalité affligeante ? Un petit velours pour bien se dire au revoir ?

Ce que j'ai pu être stupide.

Il a pris simplement mon numéro par politesse.

Pas l'intention de me donner des nouvelles, le mec.

Je suis stupide d'en attendre.

Bing bang, fuck you.

Voilà à quoi il faut s'attendre.

L'humanité pue.

Bonne soirée.

mercredi 24 octobre 2012

Un samedi étonnant

C'était le genre de soirée où on se rend avec l'idée d'aller y faire un tour, de prendre un verre, ou deux si on se sent fou, et de repartir tôt pour être en forme le lendemain, même si on n'a rien de prévu.

C'était le genre de soirée où on va en espérant qu'on trouvera quelque chose à dire à quelqu'un, parce que si c'était de nous, on serait resté scotché devant les programmes insipides et ennuyeux du samedi soir à la télé. Envie de vouèr parsonne.

Le genre de soirée où on ne connaît personne, et où personne ne se connaît; le genre de soirée qui peut dangereusement virer en un flop épique. Fifty-fifty. Un risque à prendre.

C'était chez mon ex et ses colocs (mon ex et moi, on est restés bons potes).

Le genre de soirée où tu t'attends à rien et où il se passe tout.

D'un coloc explosif complètement délirant qui aimait tout le monde et répandait son amour, jusqu' à mon amie Miss J, habituellement très sage, qui a bu au point de me dévoiler son côté «givré» que je ne lui connaissait guère auparavant; et, mieux, jusqu'à mon autre amie, Miss M, célibataire depuis 3 ans et qui n'a touché aucun homme depuis, qui s'est retrouvée à frencher un magnifique Colombien à l'accent craquant, sept ans plus jeune qu'elle.

Et moi ?

Moi, je devais me faire discrète, présence de l'ex oblige. C'était difficile, avec tout ce beau monde autour de moi.

J'avais pourtant une envie irrépressible de draguer. De me sentir désirée par quelqu'un...

J'étais profondément déçue de ne pas avoir eu de nouvelles de ma date de l'autre samedi d'avant. Vous savez, celui qui a mis une semaine à me rappeler, après que je lui ai donné mon courriel...

On avait pourtant passé une belle soirée. On n'a pas vu le temps passer. Il m'avait invitée à prendre un verre chez lui. Il m'a dit qu'il avait aimé sa soirée avec moi. On s'entendait bien. Je sentais que c'était un bon gars.

J'aurais voulu rester dormir chez lui. Avec lui. Je le trouvais beau, sexé, attirant, intelligent...

Je m'étais retenue de lui sauter dessus, pour faire les choses dans les règles de l'art. Ne pas me donner tout de suite. Laisser durer le plaisir. J'étais repartie, seule, à 4 h 30 du matin, sous la pluie battante.

Avoir su que je serais finalement restée sans nouvelles de lui, je ne me serais pas privée de ce beau corps. J'aurais eu au moins ça.

Mais non. Même pas de nouvelles. Je ne comprends pas. Il ne répond pas à mon courriel. Criss.

Retournons au sujet qui nous préoccupe.

Et donc, samedi soir, dans les vapeurs de l'ivresse, emportée par le momentum de la soirée, et par ma rage du rejet masculin, je me suis mise à faire de l'oeil, discrètement, à un beau monsieur, qui semblait lui aussi apprécier ma présence inattendue dans ce party d'inconnus.

Je voulais juste son numéro de téléphone. Le cruiser un peu, et repartir chez moi avec l'espoir de le revoir. Repartir chez moi avec l'image de quelqu'un à qui rêver. Ça m'aide toujours à m'endormir. S'accrocher à l'espoir d'une rencontre plutôt qu'au désespoir du pas de nouvelles.

Je voulais juste son numéro, mais je l'ai eu, lui, dans mon lit. Je n'ai rien vu venir. Je n'ai rien venu venir, la preuve : j'ai dû filer sous la douche, très subtilement (existe-t-il une façon subtile de ce faire ?) pour me raser le pouél des jambes que je laissais pousser depuis un bon moment dans le but, finalement vain, de me le faire épiler. Oui, le rasage de pouél l'hiver, c'est pas top, parce que ma peau est sèche, et ça brûle, je deviens tout irritée. Je sais que vous aimez ça, des détails comme ça sur ma vie.

Bref, tout ça c'est de la faute à mon amie. Miss M, la wild qui a frenché le Colombien, a dit à Monsieur F (appelons-le ainsi): Mon amie repart seule à vélo et j'aime pas ça. Voudrais-tu lui donner un lift ?

Je lui ai répondu, au monsieur : pas obligé. J'habite pas loin et je suis en état de conduire mon vélo. (Histoire de voir s'il allait insister.)

Il n'a rien dit. C'était un impératif  : il allait me reconduire.

Sacre le vélo dans la voiture.

Rendus devant chez moi, je mets ma main sur la poignée de la porte pour l'ouvrir. Il m'embrasse. Non; embrasser, c'est quand on est amoureux. C'est quand on désire ce moment depuis très longtemps. C'est doux et c'est tendre.

Il me frenche, donc.

***

Le lendemain, dans ma cuisine, en sirotant un café au lait, on discute de tout et de rien. Mais surtout de choses personnelles. Il me demande si je crois encore à l'amour. On parle d'amour, de relations, de choses sérieuses, de notre perception de la vie, de l'avenir...

C'était une belle nuit. Un bon moment avec lui. Un moment d'intimité. Plus qu'une baise.

Finalement, je n'ai jamais eu son numéro.

Lui, il a le mien. Il a mon courriel.

Il m'a embrassée, m'a dit «à bientôt», et est disparu dans la grisaille d'un dimanche matin d'automne.

«À bientôt».

Mon cul.

dimanche 21 octobre 2012

C'est comme ça que je me sens ce matin

Comme cette chanson magnifique.



Try as he might he's unable to speak
He grabs her by the hair, he strokes her on the cheek
The bed is unmade like everything is
Dark little heaven at the top of the stairs
Take me like that, ruin it all
Then build it again by the light in the hall
He drops to his knees says please my love, please
I'll kill who you hate, take off that dress, you won't freeze

One more night, that was a good one
One more night, i dreamed it was a good one
One more, one more night, that was a good one
One more night, the end should be a good one
A good one

He starts with her back cause that's what he sees
When she's breaking his heart she still fucks like a tease
Release to the sky, look him straight in the eye
And tell him that now, that you wish he would die
You'll never touch him again so get what you can
Leaving him empty just because he's a man
So good when it ends, they'll never be friends
One more night, that's all they can spend

One more night, that was a good one
One more night, i dreamed it was a good one
One more, one more night, that was a good one
One more night, the end should be a good one
A good one


jeudi 18 octobre 2012

Message aux mâles

Je voudrais prendre ce petit moment de détente pour faire un message à tous les hommes, oui, tous les hommes, désolée pour les messieurs gentils, vous payez pour les pas fins :

Vous me faites chier avec votre hostie de manie de marde de pas donner de nouvelles.

C'est pas compliqué, ok ? Tu t'assois sur ton cul, tu prends une bonne respiration, et tu les chies, tes trois lignes qui vont faire le bonheur d'une femme.

Je vous emmerde.

lundi 15 octobre 2012

Passion danse

Hier soir, j'ai regardé un film magnifique.

Un hommage à la danseuse Pina Bausch par la troupe Tanztheater.

Faut dire que je suis fan de danse.

J'ai été saisie par la beauté des chorégraphies. Des chorégraphies qui soulignent à la fois la grâce, l'étrangeté et la force du corps, qui émerveillent, fascinent, captivent.

Des chorégraphies symbolique, poétiques, qui parlent et créent une représentation du monde.

Parfois dans des lieux incongrus, inappropriés à la danse, à une apparition pure, esthétique. Comme une fleur qui aurait pris racine dans un terrain volcanique, disait Baudelaire.

Je ne me lasse pas de regarder cet extrait. C'est exquis.

Par contre, si certaines chorégraphies marquent par leur beauté, d'autres, anxiogènes, m'ont fait étouffer d'angoisse (voir extrait à partir de 1:00).

D'autres encore m'ont fait rire.

Elles m'ont toutes fait réfléchir.

La danse inexplorée.

La danse à son sommet.

Pina était un génie.

lundi 8 octobre 2012

Mea Culpa

Existe-t-il un sentiment plus destructeur que la culpabilité ?

Un sentiment créé par soi et retourné contre soi. Une pure fiction qui nous paralyse et nous enlise.

Une forme de détestation de soi-même, d'être ce qu'on est.

Voilà comment je me sens ces derniers jours. Je n'arrive plus à rien faire sans m'en vouloir. Je me hais, et je me hais encore plus de me haïr.

Je suis rongée par la culpabilité. Par l'impression de ne plus savoir ce que je veux.

Je me sens coupable d'avoir choisi de ne pas travailler en ce jour férié.
Je me sens coupable de ne pas profiter pleinement de cette journée fériée.
Coupable de ne pas être allée voir ma mère.
Coupable de dormir trop.
Coupable de m'adonner à des tâches ménagères au lieu d'être dehors.
Coupable d'être dehors au lieu de m'occuper de tâches ménagères.
Coupable de ne pas écrire plus souvent sur mon blog.
Coupable de ne pas lire les journaux tous les jours.
Coupable de sortir.
Coupable de ne pas sortir.
Coupable de ne pas lire plus.
Coupable de ne pas voir plus souvent mes amis.
Coupable de manger trop de dessert.
Coupable de ne pas aller au théâtre.
Coupable de ne pas m'investir plus dans des sorties culturelles.
Coupable d'être inculte.
Coupable d'avoir envie de rien.
Coupable de me sentir coupable.
Coupable de me sentir mal.
Coupable de ne pas avoir eu tant de plaisir la fête de mon filleul.
Coupable de penser encore à Monsieur Z.
Coupable de ne pas cuisiner plus.
Coupable de pleurer.
Coupable de ne pas répondre au téléphone.
Coupable de faire l'amour.

Coupable à chacun de mes gestes.

Je me sens épuisée.

Je me sens laide.

Oui, parfois, être moi-même, c'est épuisant. Mon esprit est mon pire ennemi.

Je veux arrêter de penser à lui.

Dites-moi comment le détruire une bonne fois pour toutes.

Dites-moi comment me débarrasser de ce sentiment de culpabilité.

Dites-moi comment c'est possible de faire 3 pas pour reculer de 5.

Dites-le-moi, je suis épuisée de penser.

mardi 2 octobre 2012

Down

Plus la montée est vertigineuse, plus la chute est douloureuse.

Allez savoir pourquoi, vendredi j'étais dans un état d'euphorie tel que je ne tenais plus en place.

J'ai bu du vin. Beaucoup.

J'étais avec une amie. Et ensuite avec des amis d'une amie. Et ensuite dans une taverne des bas fonds de Montréal. Remplie de beaux messieurs.

Enivrée par mon euphorie, elle-même amplifiée par le vin, je suis montée, et montée, et montée beaucoup trop haut. J'explosais de bonheur. Je planais.

La vie était parfaite, cette soirée-là.

Devenue soudainement entreprenante, rien à mon épreuve, j'ai même laissé mon courriel à un charmant jeune homme avec qui j'ai discuté jusqu'à la fin de la soirée.

Mauvaise idée. J'aurais dû laisser la vie suivre son cours.

Dimanche, quand je lui ai écrit, j'ai commencé à descendre de mon nuage.

Je suis descendue, et descendue, et puis j'ai ressenti à nouveau, depuis longtemps, ce vide, ce creux lancinant qui tenaille le ventre.

Cette solitude insoutenable.

Cette attente angoissée.

Mais oui, j'étais certaine qu'il allait me répondre. Et il ne m'a pas répondu.

On passe à un autre appel.

Sauf que moi je ne passe pas à un autre appel aussi facilement.

Et là, je patauge pathétiquement dans la morosité, la mauvaise humeur, l'insomnie et les cauchemars.

Allez, Ligeia, relève-toi.

Et méfie-toi de tes montées exponentielles; il se cache en leur sein un monstre noir qui attend la moindre faiblesse de ta part pour te happer et te ramener au fond des eaux obscures et froides.

lundi 1 octobre 2012

Jeunesse en détresse

Un soir, sur la rue Sainte-Catherine.

Dans le coin du Métropolis.
Je marchais avec ma mère. On revenait d'un spectacle à la Place des Arts. Ensuite, on est allées manger dans un restaurant de qualité de haut niveau. Le genre de resto que je ne me paye jamais. Trop cher, trop bon.

Moi, mon budget ne me permet que les petites places pas chères et sympatoches, au menu honnête, bon, agréable, sans être enlevant, pour une gourmande exigeante comme moi.

 Mais cette soirée-là, je m'étais dit : au yiâble les dépenses ! J'ai une job ! Soyons fous !

Alors on marchait, sur Sainte-Cathon, digérant notre repas, quand on a croisé un jeune, un adolescent, ça aurait pu être en enfant. Il boitait, tendait la main, et clamait, d'une voix vacillante : aidez-moi !

Réflexe : regarder ailleurs. On ne l'a pas vu. On continue d'avancer, on trace, ça ne nous regarde pas.

Nous savons que, quelques pas plus loin, cette détresse aura sombré dans l'anonymat du Grand Montréal.

Mais, quelques pas plus loin, quelque chose grossit dans mon ventre. Comme un pincement, une douleur, une tristesse.

Je dis à ma mère : C'est fou comme la ville crée une distance entre nous et les autres. On aurait été dans un village, on se serait arrêtées pour l'aider. Nous, on ne l'a même pas regardé.

Ma mère, aussi rongée par le remords : C'est vrai... il avait peut-être vraiment besoin d'aide.

Moi : on ne sait pas. On ne sait jamais.

Dans un même élan, nous avons rebroussé chemin pour retrouver l'enfant.

Arrivées à lui, ma mère lui demande : As-tu besoin d'aide ?

L'enfant : Oui, j'ai besoin d'argent pour rentrer chez moi !

Ma mère : Et tu habites où ?

L'enfant : Au métro Frontenac.

Ma mère : Alors, si je te donne l'argent nécessaire, tu prends le métro et rentres chez toi ? Y a-t-il des centres qui t'aident, que tu peux aller voir ?

L'enfant : Oui! Moi je veux pas rentrer chez moi, je veux de l'argent pour me faire plaisir ! Il faut que j'aie du plaisir dans la vie!

Ma mère : Mais on ne va pas te donner de l'argent pour le plaisir... as-tu vraiment besoin d'aide ?

L'enfant : Tu dis que j'ai pas le droit d'avoir du plaisir ? Tu me fais de la peine! TU ME FAIS DE LA PEINE! a-t-il hurlé.

Et il a lancé sa poignée de monnaie au visage de ma mère. On l'a regardé se retourner vers d'autres gens, tendre la main vers eux, laissant tout son petit change rouler sur l'asphalte sale de Sainte-Catherine.

Ma mère et moi avons poursuivi notre chemin. Avec le même trouble dans le ventre.

Mais cette fois-ci, ce n'était plus du remords. C'était l'impuissance devant une détresse contre laquelle on ne pouvait plus rien.

Un contraste qui frappe, après avoir mangé un si bon repas, après une chic soirée au théâtre.

samedi 22 septembre 2012

C'est quoi, l'amour, au juste ?


Oui, oui... ce cher Monsieur Z.

J'ai rêvé à lui toute la semaine. Chaque nuit, il est apparu dans mes rêves. Il m'appelait, apparaissait comme ça au milieu de nulle part.

Celle-là, je ne la comprends pas. J'ai un vague sentiment de tristesse à l'âme lorsque je me lève le matin. Parce que Monsieur Z est encore dans le creux de mes pensées. Dans l'arrière-cour de ma vie.

Pourtant, je fréquente depuis deux semaines un homme généreux et doux. Monsieur Math. Monsieur le Turc, je l'ai laissé tomber. Trop brusque et insistant. Mais Math, il correspond à tout ce que je recherche chez un homme : humour, intelligence, douceur, vivacité, énergie. Même âge. Même nos goûts musicaux se rejoignent.

Il me donne des nouvelles, m'écrit régulièrement, pense à moi, désire être avec moi. Tout ce que je n'ai pas connu avec Monsieur Z et qui me rendait si malheureuse.

Pourtant, merde, je ne plane pas. Toujours le vide dans mon ventre. Même si je suis bien avec lui, que j'aime passer la journée au lit avec lui, je ne ressens pas l'intensité et le désir qui m'animaient vis-à-vis de Monsieur Z.

Et quand je pense à Monsieur Math, je suis un peu nostalgique de ce que j'ai vécu avec l'autre.

J'ai beaucoup réfléchi à tout ça, parce que j'ai besoin de comprendre. J'ai besoin de connaître les mécanismes de mon fucking handicap émotif qui font que, depuis toujours, je m'ébroue pathétiquement dans un pattern amoureux où je crève d'amour et de douleur pour des hommes volatiles, mystérieux, dont la présence est fragile et incertaine.

Bonne nouvelle, mes réflexions portent fruit (au moins ça).

Je pense que je commence à comprendre. Je commence à comprendre que l'amour, ça n'a rien à voir avec cette intensité. L'amour, celui qui dure, qui rend heureux, qui fait ressortir le meilleur de soi-même, ne rend pas fou, obsessif et anxieux; il est doux, tranquille. Il enveloppe.

Je suis en deuil. J'apprends à renoncer à ce qui a toujours été ma conception de l'amour. J'apprends à renoncer à cette intensité vive et poignante qui fait planer si haut mais qui détruit violemment.

Mais ce sera un long, long apprentissage.

Ma nouvelle vie

Eh bien me voilà de retour. Je me remets officiellement à écrire, après ces quelques semaines à m'adapter à ma nouvelle vie de travailleuse.

Je n'ai pas vu les jours passer.J'appréhendais tellement ce nouvel emploi. J'avais tellement peur d'avoir fait le mauvais choix, de m'être plantée.

C'est que ça n'avait pas très bien été à mon ancienne job. Je m'y sentais comme une extraterrestre. Mon travail n'était pas respecté (lorsque j'en avais, parce que je pouvais passer des semaines à ne rien faire), et les tâches ne me plaisaient pas du tout. Je devais aller manger à une heure fixe, avec les collègues de travail à qui je n'avais rien à dire. Je partais le soir chez moi en pleurant. Je me sentais comme une merde.

Une fois, une de mes collègues, celle que j'appelais la «star» (elle parlait trop fort et ne sortaient de sa bouche que des inepties, tristement; mais ce qui était le plus triste, c'est que tout le monde l'écoutait, comme si elle brillait), et donc, une fois, en mangeant, on faisait des mots croisés, et elle est tombée sur la définition «loque». Et comme réponse, elle a donné mon nom. Mais il comportait trop de lettres. Bouillant de l'intérieur tout autant que sidérée que sidérée par son comportement, je lui ai lancé : Essaie donc plutôt ton nom, ça devrait cadrer mieux.

Et voilà. Le ton était donné. Je me suis tapé cette sombre bitch chaque jour de la semaine.

Un enfer qui a duré 6 mois. Ç'a été mon unique expérience en entreprise.

Alors j'ai eu peur de la réitérer.

Mais dès ma première journée, j'ai été réconfortée. J'ai été accueillie chaleureusement. On respecte mon travail. On respecte mes décisions. D'ailleurs, du travail, j'en ai beaucoup. J'aime ça. J'aime mes tâches et les gens avec qui je collabore. Certes, ce ne sera pas facile d'apprendre à tout gérer. Mais je le sens bien. Je me sens à ma place, dans mon élément. J'arrive chez moi le soir, et j'ai encore de l'énergie. J'ai envie de sourire.

Je me sens bien.

J'ai alors compris que le bonheur n'étais pas si loin.

En même temps, j'ai recommencé à m'entraîner. Je danse. Deux soirs par semaine. Je danse et je donne tout ce que j'ai à donner.

J'ai dit au revoir à mon amie S, qui a pris son avion pour la Grèce, avant d'en prendre un autre vers la France et ensuite encore un autre pour la Nouvelle-Zélande. On a bu un apéro à l'aéroport.

En bref : j'ai l'impression que j'entre dans une nouvelle ère de ma vie.

C'est donc une année qui se termine en force avec cette arrivée mouvementée de l'automne. Fini, la la léthargie !

Maintenant qu'une nouvelle routine s'est installée, je vais pouvoir reprendre le temps d'écrire.

Car j''ai encore plein de choses à dire.

Je n'en ai pas fini avec les hommes.

Ni avec Monsieur Z.


samedi 8 septembre 2012

Lettre à Monsieur Z

Cher Monsieur Z,

Je te déteste.

Je me secoue violemment la tête pour que tu en sortes. Mais il n'y a rien à faire. Ton visage reviens me hanter constamment, et encore plus lorsque je suis avec un autre homme.

Que m'as-tu fait ? Quel poison as-tu injecté dans mon corps pour que tu m'obsèdes ainsi, même après ces mois séparation où je n'ai même pas eu une seule de tes nouvelles ?

En vérité, tu ne m'as rien fait. Tu n'as qu'été l'objet de mes constructions imaginaires, que j'ai érigées en un mirage ténu faisant miroiter dans ma vie chancelante mon amour et mon désir pour toi.

Un mirage dont la réalité est aussi tangible que la matière des trous noirs.

Notre relation n'a été qu'une fiction. Je ne suis pas certaine de t'avoir rencontré, d'avoir rencontré le vrai Monsieur Z, celui qui pense et qui vit. Je n'ai rencontré que l'homme que j'ai créé, celui que je voulais que tu sois, et que tu n'es pourtant pas.

Tu n'as pas été à sa hauteur. Tu m'as déçue, blessée.

Et c'est non pas à toi que je m'adresse, mais à cet homme protagoniste, héros de mon propre récit.

Monsieur Z, laisse-moi tranquille maintenant. Sors de moi. Sors de mon corps. Va-t'en.

Tu m'as permis d'amortir ma chute dans les abîmes, de la même façon qu'un parachute empêche un corps de se fracasser contre le sol. Tu m'as aidée à garder la tête tournée vers la lumière, vers ta beauté.

Mais c'est fini maintenant. Je suis revenue sur terre. Je n'ai plus besoin de toi. Get out of my fucking life.

Je veux apprendre à aimer autrement. À aimer sans souffrir. À aimer à l'extérieur de mes constructions imaginaires. À aimer une personne réelle. À aimer dans la réalité.

Fous le camp de mes pensées; tu ne fais que me rappeler que je ne sais aimer que dans la folie.

J'essaie de t'oublier. J'essaie de connaître d'autres expériences moins douloureuses dans les bras d'autres hommes.

Et quand je passe du bon temps avec Monsieur Math, quand il m'embrasse, c'est ton visage qui vient me voiler les yeux. C'est toi que je veux. C'est un fantasme que je veux.

Je veux l'impossible, l'insaisissable.

Quand ton visage me vient à l'esprit, dans ces moments-là, je comprends mieux pourquoi l'amour me fait souffrir.

Monsieur Math est trop vrai. Il est là, réel. Il pourrait me rendre heureuse. Il pourrait m'aimer.

Sauf que je ne l'ai pas construit. Il ne m'obsède pas.

Tu me fais chier. Monsieur Z, décalice de ma vie. Je ne veux plus de toi. J'ai choisi de ne plus souffrir.

Mais une partie de moi continue de s'accrocher à cette idée fausse que l'amour, c'est ce que j'ai connu avec toi.

Monsieur Z, je te déteste.

mercredi 5 septembre 2012

La douleur du désir

Je ne sais pas ce qu'il m'arrive ces derniers jours, mais Monsieur Z fait un retour en force dans mes pensées.

Pourtant, je ne pensais plus à lui. J'ai rencontré récemment de nouveaux messieurs, dont le beau Monsieur Oz, le Turc. Et aussi Monsieur Math, avec qui je passe du bon temps et que j'ai rencontré sur un réseau de rencontres, un soir de juillet.

Mais ils ne me troublent pas comme a pu le faire Monsieur Z. Quand je l'embrassais, Monsieur Z, je perdais la tête, mon corps tremblait, mes pieds ne touchaient plus le sol. Je planais de désir, je brûlais sur toute la surface de ma peau.

Et je dois dire que ces derniers temps, j'ai bien envie d'avoir un homme dans mon lit. Cependant, il m'a suffi de les embrasser pour savoir que je n'arriverai pas à me rendre plus loin, même si ce n'est pas l'envie qui me manque.

Ils sont charmants, ils sont beaux, intelligents, et ils me donnent des nouvelles fréquemment, eux. Ils sont attentionnés. Mais quand je les embrasse, il ne se passe rien. Rien dans mon ventre, rien dans ma poitrine. Ma tête reste en place, mon corps ne tremble pas et ma peau ne brûle pas.

Et ça m'enrage. Je voudrais ressentir quelque chose, me laisser emporter par le désir, me laisser transporter dans leurs bras; seulement, je reste clouée sur place, à me demander ce que je fais là.

Je suis en train de me demander si ce n'est pas la souffrance qui est à la base de mon désir pour un homme. Plus il me fait languir, plus il me fait souffrir, me laisse dans l'incertitude, dans l'équation A, et plus je m'amourache de lui. Comme si le désir ne pouvait exister en dehors de cette tension insoutenable, du déchirement, de l'attente, de l'angoisse. Comme si la douleur amplifiait le plaisir.

Ça devrait être le contraire.

Je suis maso. 

J'ai un dé.faut de fabrication que je dois faire réparer dans les jours, mois, années à venir si je veux réussir par enfin connaître une relation saine.

mardi 28 août 2012

Des bienfaits de la cigarette

Oui, oui, vous avez bien lu : malgré tous les torts qu'on lui reproche, il y a quand même quelque chose que la clope permet de faire plus aisément et qui sera plus difficile lorsqu'elle sera devenue illégale : approcher quelqu'un, voire nouer des liens.

Récemment, j'étais sur la terrasse d'un bar bien connu de Montréal, à discuter avec mon amie M. sur le fait qu'on se sentait un peu comme des cougars auprès de cette petite jeunesse qui s'égayait dans le Quartier latin avant de commencer la nouvelle session ou de finir celle du printemps dernier, et d'un coup, comme ça, avec mon verre, j'ai eu envie d'une clope.

Tant qu'à devoir en quêter une disgracieusement (on dirait que ce n'est plus vraiment à la mode les je-t'achète-une-clope-pour-25-cents, on te regarde tout de suite comme si tu venais d'une autre planète), je me suis dit que j'allais en quêter une auprès d'un beau monsieur. T'sais, aussi bien faire une pierre deux coups.

J'avais spoté le type avec un chapeau. J'aimais son style. Et il fumait.

Je lui demande une cigarette. Échange de banalités.

Tu as un accent, tu viens d'où ?
De Turquie.
Oh ! Tu es en voyage ?
Non, j'habite ici.
Depuis longtemps ?
Quelques années.

En fait, ce n'est même pas au beau monsieur que j'ai parlé, mais à son ami sexagénaire; lui, il n'avait plus de cigarettes. Demande à mon ami, qu'il a dit.

Sur un "merci, bonne soirée", je suis partie fumer ma cigarette, rendue meilleure par la déception.

Plus tard, v'là-tu pas que le beau monsieur turc apparaît devant nous et nous demande s'il peut s'asseoir. Mais bien sûr. Avec grand plaisir. Ramène ton ami sexagénaire.

Tout le monde parle, on ne comprend pas grand-chose, mais on a ben du fun.

Tout le monde parle, et moi je le regarde. Il est si beau, avec ses grands yeux perçants, ses grands yeux noirs et profonds dans lesquels transparaît une émouvante sensibilité.

Trois heures arrivent, déjà. Je lui donne mon courriel, il me donne son numéro.

Le lendemain, j'avais déjà un message de lui. On s'est écrit toute la semaine. Et on s'est revus.

J'ai bavé toute la soirée en admirant sa beauté. On a bien discuté. Je l'ai mieux compris, cette fois-ci. On a eu beaucoup de plaisir. Lorsqu'on s'est dit au revoir, on s'est donné la bise. Et puis il partait, me tournant le dos, quand il a soudainement fait volte-face pour m'embrasser une fois de plus sur la joue. Et il est parti pour de bon. Grrrr.

On a gardé contact. On va se revoir. Il deviendra peut-être un bon ami, peut-être un bon amant; dans tous les cas, j'aime sa présence.

Et tout ça à cause d'une clope méchante et mortelle.

Quel prétexte inventera-t-on pour approcher subtilement les beaux messieurs inconnus lorsque tout le monde aura arrêté de fumer ? Salut, aurais-tu une gomme ? Un pastille ? Une papermane ? Ou carrément : salut, je te regardais de loin, et je te trouvais pas mal beau, mais je voulais juste te le dire comme ça en passant, pour te signaler que je suis sexuellement disponible et que si ça te tente, on pourrait se draguer un petit peu.

Libre cours à votre imagination débordante.

lundi 20 août 2012

Portrait de S.

Ce n'est pas fréquent, mais ça arrive.

Et quand ça arrive, ça marque pour la vie.

On reste à jamais transformé par ces personnes. Par ces rencontres amicales exceptionnelles.

Mon amie S. en fait partie. Oui, cette chère S. des péripéties à Burlington et de la gourmandise démesurée.

Et comme ces temps-ci je la fréquente beaucoup, j'ai eu l'occasion de l'observer et de constater à quel point elle est remarquablement belle.

Pas une beauté canonique, sur talons hauts, cheveux teints et toujours bien coiffés, maquillée, habillée à la dernière mode.

S. n'est pas friande des artifices. Elle s'en fout pas mal beaucoup.

Non, sa beauté vient de l'intérieur; ça fait cliché comme affirmation, mais il n'y a rien de plus vrai. Je veux dire, physiquement, elle est une jolie femme, mais ce n'est pas son aspect extérieur qui la démarque.

Ce qui la démarque, c'est qu'elle est resplendissante. Il y a comme une lumière qui brille en permanence dans son ventre et qui rejaillit dans ses yeux, dans son visage, son sourire, sa présence. S. rayonne de partout. Elle n'a pas besoin de crèmes à 60 $ pour rendre son teint éclatant; il est naturellement alimenté par cette lumière intarissable.

S. attire le regard des hommes en ne faisant rien du tout, ce qui ferait tomber de jalousie les petites pitounes de la rue Saint-Laurent surmaquillées qui ne lésinent pas sur l'étroitesse de leur jupe pour se sentir exister ne serait-ce qu'un instant sous un regard lubrique masculin.

S. n'est qu'elle-même et elle plaît. Elle plaît beaucoup. C'est magnifique. C'est ça, la beauté pure.

Quand je suis avec elle, je disparais dans l'ombre de son aura.

J'admire ce don d'être soi-même.

J'admire sa capacité à mettre de côté tous ses soucis pour croquer dans la vie à pleines dents.

J'admire son intrépidité.

Car S. n'a peur de rien. Ses yeux pétillants en témoignent bien.

S. est capable de tout abandonner pour faire le tour du monde.

S. est capable de ramener chez elle à 4 heures du matin un ex-prisonnier croisé dans un parc pour lui offrir une tisane et un chandail chaud.

S. est capable de sourire et de parler à tout le monde, peu importe l'apparence des gens. Elle ne juge pas. Pour elle, les gens sont foncièrement bons. Elle aime, tout simplement, et partage sa lumière.

J'aime être avec elle, parce qu'elle éclaire mes pensées ténébreuses, les rend moins effrayantes et me permet, moi aussi, de mieux aimer cette vie qui n'a que du bon, tout d'un coup, quand S. m'oblige à ouvrir la porte et à regarder dehors.

S. va partir le mois prochain pour un long périple autour du monde qui ne connaîtra peut-être pas de fin. Son départ à l'autre bout de la planète laissera un grand vide dans ma vie. Mais j'espère que je saurai conserver un peu de sa lumière.

jeudi 16 août 2012

Avez-vous votre permis ?

À 31 ans, je n'ai toujours pas mon permis de conduire.

Cependant, je n'ai jamais perdu mon permis de rêver.

lundi 13 août 2012

Vagabondage

Doux balancement du métro.

Musique dans les oreilles.

Mon esprit vagabonde. Les gens autour de moi s'évaporent dans les limites diffuses de ma conscience.

Plus loin, debout, un jeune homme.

Beau. Blond. Aux cheveux longs. Aux lunettes rondes.

Mes yeux le détaillent. Je le trouve séduisant. Il a de belles mains. Une belle bouche.

Je pense que ce serait mon type d'homme. Un côté intello, assaisonné d'un caractère sportif-nature. Le genre de gars qui t'emmène marcher en forêt, avec qui tu passes de belles soirées en camping, avec qui tu peux discuter de tout, approfondir les sujets, mais toujours avec légèreté, simplicité et humour. Le genre de gars amoureux, affectueux, sans être mielleux.

Ensemble, on serait bien. Je serais comblée. Je me vois, sourire aux lèvres, à ses côtés. Et on aura des enfants, bien sûr. On en aura trois, en tout. Je suis sa femme, je le rends heureux. On prend beaucoup de plaisir à recevoir nos nombreux amis, parce que lui, son plaisir, c'est de donner et de faire plaisir aux gens qu'il aime. Il rit beaucoup. Il rit tout le temps. Son rire est apaisant. De ses yeux jaillit en permanence l'étincelle de ceux qui dévorent la vie à pleines dents. Il me communique son bonheur. Il me regarde souvent avec complicité, de son sourire contagieux. Nos enfants grandissent, leurs boucles blondes finissent par prendre une teinte plus châtaine.

Il m'aime et m'admire.

Une vie de bonheur s'écoule.

Sentant mon regard persistant sur lui, il se retourne, me voit, me fait un semi-sourire pincé tout en haussant les sourcils, l'air de me dire : "Tu veux ma photo?" ou peut-être bien : "Je te plais ? C'est ça ?"

Et il sort à la station suivante.

Je secoue ma tête; je me ressaisis. Les gens autour de moi commencent à regagner progressivement le champ de ma conscience. La réalité se réinstalle crûment, avec ses néons, le bruit des portes qui s'ouvrent et se referment, le son du train sur les rails, les visages abrutis et indolents des gens qui attendent de descendre.

Je suis rendue à destination. Je me lève, je sors, le pas léger, le regard brillant, le visage lumineux, esquissant le sourire de celles qui viennent de passer une nuit avec leur amant.

Entre les stations Frontenac et Berri-UQAM, j'ai vécu une longue et poignante histoire d'amour. 

jeudi 9 août 2012

Coïncidence inquiétante

Oh, et puis, vous voulez vous en mettre une bonne croustillante sous la dent pour finir la semaine ?

Quand on est intelligent, qu'on n'a rien à faire et qu'on se met à faire des liens, on comprend des choses.

Au début de la semaine, j'ai compris que le mec qui est pro en magasinage de filles et qui m'a bêtement flushée comme si j'étais une vulgaire cravate de chez La Baie se trouve à être le nouveau patron de Monsieur Z, qui vient de changer d'emploi.

Le hasard, des fois, pue. Inquiète. Tend des pièges. Faut-il dégager un sens de tout ça ? Le destin est-il en train de me parler ? Suis-je dans un monde d'indices et de signes tout-puissants ? Suis-je dans un monde parallèle ?

J'ai des frissons dans le dos.

Si vous me dites qu'en fait, vous connaissez Monsieur Z, je ne serai même pas surprise.

Le vent tourne

Ça y est ! À partir de septembre, je ne serai plus chômeuse, je ne pataugerai plus dans une situation précaire, je ne passerai plus mes journées dans une léthargie profonde...

Oui, car on m'a offert un emploi, un poste dont je rêve depuis longtemps, avec paye régulière, beaucoup de défis à relever, plein de nouvelles personnes à rencontrer, une nouvelle vie, une nouvelle moi.

Oui, fini, la précarité. On dirait que je ne le réalise pas tout à fait. Comme si cette vie ne pouvait pas m'appartenir, qu'elle appartiendrait plutôt au rêve. Et pourtant, elle est mienne, sera mienne, et j'ai du mal à me projeter, parce que c'est dur d'y croire, après cette année à me démener comme une damnée dans le cycle infernal de la merde.

Alors, pour fêter ça, je suis allée me promener, toute souriante, disant bonjour à tous les beaux messieurs croisant mon chemin, gambadant joyeusement sous la pluie, pensant à tout ce dont je pouvais maintenant me permettre et dont je me privais depuis longtemps.

J'ai commencé par m'acheter un livre. Je suis entrée dans une librairie, j'ai flâné, et j'ai acheté le tome 2 de 1Q84, que j'ai réservé à la bibliothèque mais que je n'espérais pas pouvoir lire avant trois mois... Acheter des livres : quel bonheur !

Et puis je suis allée dans une petite épicerie fine de mon quartier. Pas une épicerie fine de bobos snobs granos. Non ! Une vraie épicerie fine de quartier, avec des gens ben ordinaires qui font pas chier le peuple avec leur petite morale bien-pensante sur les produits bio trois fois trop chers et que dans le fond y'a juste les bobos qui peuvent se permettre sans exploser leur budget (désolée, fallait que ça sorte).

J'ai acheté plein d'aliments que je n'avais plus l'habitude d'acheter car trop chers, mais que j'adore tellement ! Jambon de Bayonne, mozzarella fraîche, céréales aux noix et au chocolat... je me suis même gâtée, allez ! J'ai pris un millefeuille pour couronner le tout. La dame l'a emballé dans une petite boîte, et a même pris le temps d'entourer la boîte d'un ruban doré.

C'était comme un cadeau pour moi.

Et donc, un cycle nouveau apparaît : je mange bien, je me sens revivre, et je viens de décrocher un emploi dans lequel je pense bien m'épanouir.

mardi 7 août 2012

Manger : passion, obsession, et signe d'espoir

Ce week-end, j'ai mangé démesurément.

Vendredi, avec cette chère amie S., nous voulions festoyer à l'événement "1ers vendredis du mois" tenu au Parc olympique. Les 1ers vendredis du mois, c'est un nouveau concept pour rentabiliser l'inutile et vaste esplanade du Stade olympique. Procédé (la Ville) : installer des roulottes de bouffe de rue un peu partout. Fonctionnement (les citoyens gourmands) : manger et boire le plus possible, car il faut tout essayer. Ainsi, j'ai mangé comme entrée un hamburger au fromage accompagné de chips maison. Ensuite, comme plat principal, j'ai goûté au fameux pulled pork de Pas d'cochon dans mon salon.

Le pulled pork : gourmandise, abondance, excès et crise de foie.

Pas besoin de vous dire qu'au lieu de dormir, cette nuit-là, j'ai digéré mes excès de gras et de viande, moi qui habituellement en mange très peu.

Le lendemain, toujours en compagnie de S. (nous voilà retournées dans notre phase adolescente: c'est devenue ma "best", on ne se quitte plus d'une semelle et on rigole en coin comme des vierges surexcitées quand on voit un beau monsieur, en s'envoyant des textos, hihihi), nous avons visité ma mère dans les magnifiques Cantons-de-l'Est. Il faisait chaud, ça sentait les vacances, on avait commencé l'apéro à 15 heures; tout se prêtait au typique repas bucolique sous les arbres au milieu des prés, dans les senteurs de foin coupé, de fleurs, de ruisseau, cheveux et robe au vent.

Bon. Vous voyez bien le portrait. Le décor parfait qui met en appétit.

Justement. On se baignait chez un ami de ma mère lorsque celui-ci s'est ramené avec une délicieuse salade et quelques bouteilles de rosé. Je dois honteusement avouer que c'est S. et moi qui avons mangé la plus grosse portion de cette salade rustique. Sans compter qu'on s'est jetées comme des droguées en manque dans les bleuets du Lac-Saint-Jean enrobés de chocolat noir. Deux cochonnes pas sortables.

C'est à ce moment-là que le voisin est apparu pour caller un BBQ. Eh bien, croyez-le ou non, nous y sommes allés, avec côtelettes d'agneau et bouteilles de rouge, et puis nous avons re-soupé jusqu'à 3 heures du matin.

Vous devez vous demander en quoi ce récit de mes excès de gourmandise est pertinent, non seulement sur ce blog, mais dans ma vie. On mange, on se fait plaisir, et basta. Pas besoin d'en faire un foin.

Eh bien justement. Cet appétit croissant et insatiable est un élément clé qui mérite d'être souligné dans le grand récit fascinant que je forge ici.

C'est signe que les choses s'améliorent. Que je vais mieux. Que je reprends plaisir à la vie. Je mange avec appétit, avec délectation, ce que je n'avais plus fait depuis longtemps.

J'ai retrouvé ma nature gourmande.

J'ai toujours mangé beaucoup, même si ça ne paraît pas avec mes 115 livres. Quand j'avais 15 ans et que je revenais de l'école à 16 heures 30, je soupais. Ensuite, je re-soupais, plus tard, vers 20 heures, avec ma mère, son chum, les enfants de son chum.

Mon frère et moi, on se battait pour la dernière portion.

De par mon éducation, j'associe l'acte de manger au bonheur, au plaisir, à la gaieté, à quelque chose de complètement opposé à la solitude.

Et c'est pour ça aussi que je mange mes émotions. Que je mange quand je m'ennuie. Que je mange pour mieux me concentrer. Que je mange tout le temps.

Le matin, j'ai hâte de me lever pour manger. L'avant-midi, je pense continuellement au repas qui m'attend. L'après-midi, je le passe en m'imaginant les mets que je cuisinerai le soir, je visualise des recettes, des ingrédients, je me projette devant une assiette remplie de quelque chose dont j'aurais envie.

Déjà, toute petite, je faisais chier ma gardienne le soir: ma mère travaillait tard, et moi, en l'attendant tristement, je voulais toujours manger, même une fois le souper terminé.

Ça ne m'était jamais arrivé de manquer d'appétit. Même quand ça va mal, parce qu'alors je mange pour me sentir mieux. Je me réfugie dans la nourriture.

Mais ça m'est arrivé pour la première fois au début du mois de mars. Je venais de perdre mon emploi. Ça n'allait pas bien avec Monsieur M, mon ex. Et puis je m'étais engouffrée dans le méandres désespérés de mes constructions imaginaires.

J'ai perdu l'appétit, petit à petit. J'ai cessé de cuisiner. Je ne mangeais plus que pour me sustenter. Quand je mangeais. Des pâtes, de l'huile d'olive, voilà ce qui a constitué bon nombre de mes repas. Le désert culinaire. Désert gustatif. Je mangeais sans enthousiasme, sans appétit, sans faim, sans aucun goût pour ce que je mastiquais et avalais.

Manger n'était devenu qu'une simple et monotone fonction vitale, exempte de toute forme de plaisir. Une contingence. Rien d'autre.

À la fin, vers mai, mon souper se réduisait souvent à deux rôties beurrées. L'image même de la solitude, du désespoir. Deux toasts, fades et ennuyeuses, dans le creux d'une assiette trop grande pour elles. Voilà ce qui remplissait mes soirées de nouvelle célibataire.

Je n'avais jamais connu le manque d'appétit. Je n'avais jamais éprouvé autant de désintérêt pour ce plaisir de tous les jours.

Sérieusement, j'ai cru que ça n'allait jamais revenir. Moi, ne pas avoir faim, c'est comme si je perdais mon propre sens, ma propre définition. Quand j'y repense, je me dis que je ne devais pas être très loin du fond pour me détourner aussi vivement, violemment, de l'acte de manger.

Heureusement, je constate aujourd'hui que je remonte la pente. Je mange beaucoup, je mange bien. Je cuisine, je reprends plaisir à faire des courses, à penser à mes repas, à m'activer entre mon frigo et ma cuisinière.

Je me sens revivre.

dimanche 5 août 2012

Bof bof

Beau monsieur a dit : Bonjour Ligeia, ça te dit d'aller prendre un verre cette semaine ?

Ligeia a répondu : Rien, puisque pas eu le temps de répondre, partie pour le week-end.

Beau monsieur a renvoyé un courriel pas plus de 24 heures plus tard : Ah ben laisse faire, finalement j'ai rencontré quelqu'un d'autre.

Comprendre : Je magasinais, je suis tombé sur deux offres incroyables. J'hésitais entre les deux, et puis après réflexion, j'ai choisi l'autre, mais merci de ta participation.

FUCK. YOU. CONNARD.

jeudi 2 août 2012

Les aventures de deux trentenaires célibataires à Burlington - Partie II : L'enchantement

Nous sommes arrivées, donc, dans notre nouveau camping, facilement accessible par un bus de Burlington.

Comme nous avions vu le pire, cet endroit nous a paru un véritable lieu d'enchantement : la petite cabane coquette en bois rustique de l'accueil; le charmant monsieur jovial au comptoir; l'emplacement pour la tente, entouré de verdure bucolique, visité par un magnifique cardinal et son harem de femelles; nos voisins, de vrais voyageurs qui aiment le vrai camping, curieux, aimables comme tout, souriants et sympathiques par-dessus le marché. Ainsi, on s'est vite fait des amis, à commencer par Max, leur fils de 10 ans, qui n'avait pas froid aux yeux et qui s'est mis à nous parler comme si on était ses amies de longue date. D'ailleurs, le petit, il parlait à tout le monde autour de lui, s'incrustait dans les activités des autres campeurs, comme si cela allait de soi. Comme j'aurais aimé avoir ce culot dans ma jeunesse ! Ma solitude m'aurait peut-être moins pesé. Bref, il était si mignon que tout le monde l'accueillait avec grand plaisir.

Cette journée-là, nous sommes allées traîner à Burlington, où ma mère venait nous rejoindre. Il y avait un marché public avec des dégustations, des produits du Vermont et de la bouffe de rue. On s'est délectées de samoussas épicés et de tartes aux bleuets. On a mangé du regard tous les produits offerts, et je me suis dit que dans le monde entier on entretenait un bien mauvais cliché quant à l'excès de malbouffe aux States. Bon d'accord, cette réalité est vraie, on ne peut la nier; cependant, il ne faudrait pas oublier que les Étatsuniens, du moins ceux de la Nouvelle-Angleterre, sont adeptes des produits de leur terroir, et se passionnent pour les aliments de qualité.

Et puis on a magasiné, notamment dans les friperies, où je me suis dégoté une jolie robe de style rétro pour moins que rien si l'on compare le prix qu'elle valait à l'origine (oui, je suis allée voir sur Internet). J'avais hâte de trouver une occasion de la porter. Ça s'est présenté hier, mais malheureusement, mon compagnon n'a pas succombé au charme irrésistible de cette robe.

Passons.

Et donc : un marché, une friperie, une promenade avec ma mère et S., et je suis comblée de bonheur.

Le soir même, après un petit apéro au vin blanc chaud, épuisées par nos déplacements et notre longue promenade, nous nous sommes lancées dans la piscine du camping sous la lune éclatante.

Le lendemain, pour notre dernière journée, nous avons erré au marché d'artisanat installé au village à côté, Shelburne. Il se trouve que nos sympathiques voisins de camping étaient des artisans venus là pour présenter leurs oeuvres. C'est leur vie : travailler leurs oeuvres et parcourir les routes pour les présenter dans des marchés; dormir à la belle étoile; partir, toujours partir. Il y a quelque chose de romantique à cette vie. Ça m'a fait rêver. Ils avaient l'air si heureux !

Le marché était énorme et occupé par une pléthore de beaux mecs. Ils sont où les beaux mecs aux States ? Dans les marchés; croyez-moi. On en a croisé un en particulier, qui s'avérait en fait notre autre voisin de camping, celui d'en face. Lui, il fait de la poterie. Un beau jeune homme qui fait de la poterie, ça fait pas se pâmer un peu, ça ?

Il y avait un espace dédié à la dégustation d'alcool. On a essayé tous les stands. Tous. La vie est trop belle. Ensuite, histoire d'absorber tout cet alcool, nous avons assailli l'espace réservé à la restauration, spécialisée dans les produits locaux. J'ai mangé un lobster roll, un genre de hot-dog grillé fourré avec du stuff au homard. Et puis une pizza roquette-chèvre-betterave, et une autre pêche-bleu-roquette, à tomber par terre. Et pour finir, une salade de roquette avec canneberges, bleu, amandes et vinaigrette au sirop d'érable. De quoi mourir de délice.

On a terminé la soirée devant un feu, avec guimauves grillées. Et puis notre beau voisin d'en face, Alexander, est arrivé et s'est fait un feu. Il était seul. J'avais envie de lui parler. Je suis allée le voir, puisant un peu de courage je ne sais où en moi, je lui ai fait la conversation un petit peu et il est venu s'installer avec nous près de notre feu. On a parlé, regardé les étoiles, la lune; on se sentait bien près de lui. Il nous a donné chacune une poterie. Magnifique souvenir de cette épopée à Burlington. Le périple ne pouvait mieux se terminer. On a pensé qu'il a dû penser qu'on était lesbiennes. Mais c'est pas grave. Il nous a laissé son adresse, postale et électronique. Il a dit qu'il aimerait bien qu'on aille le voir à Clinton. On a dit qu'on aimerait bien le voir à Montréal. De vagues projets se sont dessinés. On ne se reverra pourtant jamais.

Le lendemain, il partait, et nous aussi. On s'est fait une accolade. Non, les Étatsuniens n'embrassent pas sur la joue; ils te prennent directement dans leurs bras. Frissons.


mardi 31 juillet 2012

Les aventures de deux trentenaires célibataires à Burlington - Partie I : Le camping de la désolation

Je m'étais dit que j'avais besoin d'aventure. Vous savez, aventure comme dans partir en backpacking ? Bon, pas très loin, pas très longtemps, d'accord. Mais le backpacking, contrairement au voyage planifié, avec hôtel réservé, trajet tracé et voiture remplie à ras bord de bagages pour être certain de ne manquer de rien, permet de déconnecter complètement, de sortir de la réalité, de vivre le quotidien autrement en nous ramenant à des besoins de base, comme trouver une endroit où dormir, faire à manger et faire du feu.

Jamais je ne m'étais sentie aussi heureuse que la fois où, à 23 ans, j'étais partie trois mois en France et en Espagne avec ma tente, à errer entre la Bretagne, la Corse et Séville, à dormir dans les trains et à aller où me portaient mes humeurs. Ma vie se résumait à cela : partir, prendre un train, trouver un terrain de camping, manger, visiter des lieux, ou plutôt vivre des lieux. Dans cette vie, il n'y a pas d'avenir, pas de passé; le présent est l'unique façon d'exister. On se sent jeune, on se sent libre, on sent que tout est possible.

J'avais réitéré l'expérience à 25 ans (moins longtemps, deux semaines) pour traverser l'Ouest canadien avec Monsieur M. C'était comme un voyage de noces. On faisait du stop, on dormait dans les cars, et le temps n'existait plus.

Aujourd'hui, je n'ai plus vraiment l'occasion de partir comme ça. À 31 ans, les choses changent. Déjà, on se sent moins forts pour transporter un sac de 20 kilos sur notre dos. Et puis la vie nous amène à faire des choix, comme se poser, structurer sa vie, payer ses dettes d'études, avoir un emploi et le garder, mettre de l'argent de côté. Tout cela finit par sembler plus important que l'errance, parce qu'on se voit vieillir, et on veut être autonomes. Mais voilà, cette époque d'insouciance et d'aventure me manque, me rend parfois nostalgique.

Bref, j'ai eu envie d'aventure, ce qui est toujours une bonne thérapie contre l'engourdissement cérébral et physique.

Ça tombait bien, parce que justement mon amie S. m'a demandé si j'avais envie de partir avec elle en camping à Burlington. Que oui. Et quelle aventure ce fut.

Et donc on a paqueté nos bagages et on a sauté dans un car qui nous amenait directement à Burlington.

Se retrouver perdues dans une ville qu'on ne connaît pas. Demander notre chemin. Chercher le bon autobus qui nous amène au bon camping. Susciter le regard des passants. Parfois de beaux passants, nous renvoyant des regards complices; deux filles qui voyagent avec un sac aussi gros qu'elles sur le dos, ça attire l'oeil et l'admiration. Et la sympathie des gens.

Comme les lois de l'aventure l'exigent, le camping dans lequel nous voulions passer notre séjour était plein. Oh, je vous rassure : j'avais appelé et écrit avant de partir, mais je n'ai jamais eu de réponse. Je n'ai jamais pu réserver, mais on s'était dit que la chance serait de notre côté. Elle ne l'a pas été. Soit.

On s'est alors retrouvées dans le pire camping que j'aie vu de ma vie. Sans blague. Très loin de Burlington en plus. Impossible de s'y rendre à pied ou même en vélo ou en bus. C'est un taxi qui nous y a menées, et ça a coûté cher. On était prises là. Pas d'autre choix possible, et puis la fatigue commençait à nous gagner.

Un camping tout moche, du type "parking à roulottes", dont la clientèle se caractérise par un manque de goût flagrant tant dans choix de la déco de sa roulotte que dans sa façon d'interpréter le savoir-vivre. À l'accueil, dans une espèce de cabane en bois compressé qui puait le vieux pipi, un rouquin nous a accueillies de son regard terne et empreint d'une indifférence profonde pour la vie en général.

Les toilettes étaient dégueulasses. D'une propreté plus que douteuse. Il n'y avait pas de savon et le sèche-mains ne fonctionnait pas. Je n'ai même pas pris de douche. J'ai préféré rester dans mon odeur de swing. La plage mentionnée dans le dépliant en tant qu'un atout du site s'est révélée un carré de boue de six mètres carrés dans lequel barbotaient quelques enfants. Pas de village près; pas de magasins. De l'atmosphère du camping se dégageaient des notes de désespoir, de pauvreté, comme celles qui émanent d'un lieu où on n'est que de passage, où on arrive tard la nuit et d'où on repart tôt le matin, comme ces motels vétustes et tristes qui jonchent le bord des autoroutes.

On s'est senties abattues, mais à la fois euphoriques. On a tellement ri qu'on a fini par pleurer. Ou on a tellement pleuré qu'on a fini par rire. Je ne sais plus très bien dans quel ordre.

Bonne nouvelle, il y avait une piscine, et notre emplacement pour la tente était tout de même acceptable. On a découvert un quai où on a fini l'après-midi les pieds dans le lac Champlain. On a trouvé du bois pour faire du feu. On a préparé notre souper avec le petit réchaud de S. On a bu beaucoup de vin et on a parlé longtemps en contemplant les flammes. Le bonheur se trouve parfois dans des gestes très élémentaires. Notre joie et notre excitation en allumant le réchaud vous sembleraient probablement incompréhensibles et pathétiques. Notre fascination devant un gâteau au fromage lyophilisé qui prend forme grâce à un peu d'eau pourrait paraître ridicule de l'extérieur, mais quand on le vit, on se sent comme un enfant qui découvre pour la première fois un Jolly Jumper.

Le lendemain, on a repaqueté nos affaires et on a sacré notre camp - oui, l'expression est choisie, car nous ne sommes pas parties, mais nous avons bel et bien sacré notre camp, ce qui est différent - pour un monde meilleur qui ne sent pas le pipi et où les gens ne sont pas ternes.

La suite de nos aventures dans un prochain billet.

mercredi 25 juillet 2012

Défectuosité

Voilà presque une semaine que j'ai mis un terme à cette relation passionnée que j'entretenais avec Monsieur Z. J'ai pris le temps de réfléchir à ce qui s'est passé... mais je ne comprends toujours pas.

Déjà, je m'étais mis en tête que, pendant ses vacances, il aurait voulu passer du temps avec moi. J'ai cru, fermement et naïvement, qu'il en aurait profité pour faire avec moi certaines activités dont je lui avais beaucoup parlé, telles que faire du vélo au bord du Canal Lachine, aller voir les lotus en fleur au Jardin Botanique, pique-niquer au parc Maisonneuve, visiter Hochelaga et ses trésors cachés. Je me suis pris une claque au visage quand j'ai su qu'il s'était pris un billet d'avion pour aller retrouver son ex.

Il m'a dit : "Ne t'inquiète pas". "On se voit à mon retour". "Tu es belle." "Je suis bien avec toi." "Je veux que tu sois heureuse."

Il m'a embrassée passionnément, affectueusement, et j'ai alors pensé qu'il y avait peut-être quelque chose en plus, un petit truc qui était en train de resserrer de notre relation, de l'amener au-delà du simple "on baise et on se donne des nouvelles, on garde contact", j'ai senti de l'attachement...

Toute la semaine, j'ai pensé à lui. J'avais hâte de le revoir. Après, il avait une autre semaine de vacances. Probablement que pour celle-là, il avait prévu au moins une journée avec moi (que j'ai pensé, dans ma tête tourmentée d'incorrigible romantique-névrosée-obsessive-passionnée-intense). Le lundi de son retour, j'ai même cherché les vols et essayé de voir dans quel avion il aurait pu être. J'ai commencé à penser, à ce moment-là exactement, que la névrose était en train de s'emparer de moi au-delà du raisonnable.

Le lendemain, pas de nouvelles. Le surlendemain, pas de nouvelles. Normal, il faut bien qu'il prenne le temps de revenir (que j'essayais de me convaincre). J'ai fait beaucoup de vélo pour passer le temps. Je suis allée loin; au parc de la Visitation, à Verdun, au bord du fleuve, j'ai fait des aller-retour sans m'arrêter, en pleine chaleur, à peine 5 minutes pour boire. J'ai pédalé fort, en pleurant, en pleurant de découvrir qu'il n'avait pas aussi hâte que moi de me voir. En pleurant d'être aussi tendue dans mon attente angoissée, impuissante, sans que je sois capable d'en sortir, paralysée par la possibilité de le revoir bientôt, par cette éventualité imaginaire qui, de minute en minute, ne se concrétisait pas.

Je m'étais fait de stupides attentes. Erreur suprême.

Je lui ai écrit. Jeudi, on se fait le Canal Lachine à vélo. Réponse : désolé, j'ai autre chose.

Je lui récris : vendredi alors, je te fais un souper, avec un dessert, je fais tout, tu fais rien, je donne tout, tu donnes rien. Réponse le vendredi après-midi : j'ai autre chose. La semaine prochaine, peut-être?

Ça faisait déjà deux semaines que je vivais dans l'attente angoissée, dans l'espoir de le revoir, dans la fébrilité, l'anxiété, la nervosité... j'ai craqué. C'était plus que mon corps et mon esprit pouvaient en prendre. Trop. La goutte qui fait déborder l'hostie de vase de boue. Attendre une autre semaine. Sans même qu'il cherche un moment plus proche pour me voir. Avec, entre les lignes, cette sorte d'indifférence, cette froide distance. Ça a été trop. J'ai craqué.

Je l'ai appelé. J'aurais aimé ça te voir bien avant. La semaine prochaine, c'est loin. Réponse : Ne le prends pas personnellement. Je n'ai donné de nouvelles à personne. Moi : Oui, mais quand même, je m'attendais à plus, tu m'as dit qu'on allait se voir à ton retour, pas deux semaines après ton retour, tu avais l'air attaché, J'ai pensé qu'il y avait plus que rien. Lui : Il y a plus que rien, mais il y a moins que plus. Je suis désolé, les autres filles savent s'en contenter. Moi : mais je ne suis pas les autres filles. Je suis moi. Et cela ne me convient pas. Tu me donnes quelque chose d'exceptionnel, tu es si tendre, si doux, et ensuite je n'ai plus de nouvelles, tu sembles m'éviter, tu es froid. C'est ambigu. Je n'ai pas envie de miettes. Je suis une passionnée, il faut que je consomme jusqu'au bout. C'est tout, ou sinon je préfère rien. Lui : Je n'ai pas voulu te blesser. Je t'avais dit que je ne voulais pas de relation sérieuse. Moi : Eh bien pour moi, "non sérieux" ne signifie pas nécessairement fuckfriends, à l'occasion, quand ça t'adonne. J'ai besoin de consommer jusqu'au bout ce désir pour toi, même si ça ne dure que deux mois. J'ai besoin que tu aies envie de me voir. Ça ne me convient pas. Je préfère qu'on cesse cette relation. Lui : C'est peut-être mieux comme ça. On va continuer à se voir quand même ? Moi : Non. Je dois prendre du recul. Lui : C'est dommage.

Oui, c'est dommage, mais je pense que c'était le mieux que je puisse faire pour garder en état mon équilibre mental.

Pourtant, je regrette un peu. Ce Monsieur Z me donnait quelque chose que je n'ai jamais trouvé chez un homme. Il était spécial pour moi. Il était extraordinaire.

On dirait que tout est de ma faute. Que je me prive d'une chose, d'un rêve, d,un bonheur à cause d'un handicap émotionnel. Je suis trop gourmande. Trop romantique. Trop intense. Trop toute. Je me donne jusqu'au bout. Je me donne même lorsque je n'ai plus rien à donner. Je donne même quand je ne reçois rien. Je donne jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien de moi. Je me vide de ma substance, et quand il ne reste que ma peau, je n'ai plus qu'à m'étendre à terre pour servir de carpette.

C'est dans ce schéma que j'allais tomber. J'ai mis un frein avant de me détruire complètement. Avant d'être réduite en une boue abjecte et de devoir me reconstruire de A à Z. Encore et encore.

Je suis fière, parce que j'ai vu le désastre arriver, et je n'ai pas laissé faire. J'ai été forte. Je me suis  respectée.

Mais je m'en veux, je me déteste, je hais cette défectuosité, cette fragilité, cette vulnérabilité, ancrée profondément en moi, qui m'empêche de vivre ce qui aurait pu être un moment inoubliable avec Monsieur Z. Je préfère n'avoir rien que des miettes.

Je me sens déjà plus légère. J'essaie de remplir ma vie de toutes les façons possibles. J'essaie de l'oublier.

J'essaie de trouver les ressources qui feront de moi une amoureuse, une maîtresse, une romantique plus forte.

vendredi 20 juillet 2012

Fini

Eh bien voilà, c'est terminé avec Monsieur Z. Je n'en pouvais plus de le voir si peu souvent. D'être dans l'attente, l'incertitude. Ça me fait beaucoup trop souffrir. Ce n'est pas fait pour moi, ce genre de relations.

Je m'en veux tellement. Parce que je sais que je me prive de quelque chose d'extraordinaire.

Il a fallu que je mette un terme à cette souffrance.

lundi 16 juillet 2012

Soyons légers, c'est l'été

Ce soir, je pourrais écrire un long billet mélancolique, exprimer ma douleur de me languir de lui, qui n'a pas donné de nouvelles depuis son départ, qui je sais est revenu à Montréal, dont je vais attendre un message toute la semaine, lui qui me laisse dans l'attente, et moi qui accours au premier signe de lui. Je pourrais me perdre dans la description de ma dépassion, de mon sentiment d'être vidée de toute passion, d'être dissipée, de ne plus savoir où aller. Mais j'ai peur de t'emmerder, cher lecteur au singulier, car c'est l'été, et l'été, c'est fait pour les frivolités.
J'ai donc décidé d'écrire sur les péripéties aussi surprenantes qu'insignifiantes qui remplissent ma vie depuis une semaine.

La semaine dernière, j'ai eu un accident de voiture. Une copine et moi, on s'en allait gaiement, cheveux et jupe au vent, vers une destination de villégiature excitante, Saint-Hilaire. On s'était mises toutes belles pour l'occasion. Mais notre périple a pris fin à peine sorties de Montréal. On roulait sur l'autoroute, discutant de choses impertinentes, consultant le GPS, regardant nerveusement si on avait pris la bonne sortie, et puis un cri, un gros pick-up, un son aigu de freins, l'odeur du caoutchouc brûlé, le pick-up qui s'approchait trop vite, nous qui arrivions trop vite sur le pick-up et BANG ! Dans le cul du pick-up.

J'ai eu peur. Je voyais le gros derrière de ce pick-up, et je savais qu'on allait direct dedans. Je me suis dit : on va rentrer dedans, et je ne sais pas ce que ça va faire, mais on va rentrer dedans. Je n'ai pas vu ma vie défiler, je n'ai pas eu une dernière pensée pour Monsieur Z, je n'ai pas prié, j'ai juste pensé à ce que ça allait faire quand on allait rentrer dans le cul du pick-up à 90 km à l'heure. Je n'ai même pas crié, ni sacré; j'allais silencieusement vers ma destinée.

Après le choc, je me suis assurée que j'étais encore en vie. Ensuite, je me suis assurée que je n'étais pas blessée. Miracle : on avait survécu au choc, ça avait cogné fort, mes lunettes sont parties en ligne droite dans le pare-brise. Mes premières paroles ont été pour mon amie : "Es-tu correcte?" Mes deuxièmes paroles ont été : "Hostie, il me faut de l'alcool, de l'alcool et vite!" J'étais tendue dans le cou et dans le dos... fallait y remédier.

Bon, l'après-midi était mort, mais la soirée était jeune. Après un joyeux tour de towing (la voiture était scrap), on a décidé de fêter notre survie en allant manger au Petit Alep, un des meilleurs restos de Montréal, à mon sens à moi. Parlant de sens, les miens étaient complètement exacerbés par le choc. C'est comme si mes sens aussi avaient envie de fêter le fait qu'ils sentaient encore. J'étais euphorique et assaillie par l'envie intense de baiser. De baiser pour me sentir encore plus en vie. Ce soir-là, tous les mecs étaient beaux. Bon. À défaut de baiser, j'ai mangé. Je me suis régalée, au-delà du raisonnable je dois dire, des délicieux mets d'Alep. Ce fut une soirée mémorable.

Les moments qui suivent la peur de mourir sont toujours inoubliables. Ils revêtent un sens qu'ils n'auraient pas eu autrement.

Le lendemain, pour fuir la canicule qui allait s'installer sur Montréal, je suis partie me réfugier dans la campagne des Cantons de l'Est, chez ma mère. On est allées au spa. Un après-midi complet, j'ai trempé dans l'eau chaude, dans l'eau froide, et j'ai dormi sur de gros coussins au soleil. J'ai oublié le temps qui passait. J'ai l'oublié, lui. J'ai oublié que j'avais mal. J'ai juste senti mon corps qui se ramollissait.

Samedi, la chaleur était si intense qu'il était impossible de traverser cette journée sans la passer dans l'eau ou à l'air climatisé. N'ayant ni un ni l'autre, j'ai opté pour m'incruster dans le camping à côté de chez ma mère, histoire de profiter de leur lac et de leur piscine. Il y avait un beach party, mais qu'à ne cela ne tienne, j'étais prête à endurer n'importe quoi quitte à avoir mon cul dans l'eau. Ainsi, toute la journée, je me suis tapé une chiée de tounes poches, de ces tounes dont on a honte juste à les entendre.

Voici quelques exemples de ce que j'entends par tounes poches :

Ça
Ça
Et ça


Et le tout, mes amis, entourée de purs douchebags trentenaires qui, auprès de leurs enfants et de leur femme, sirotaient une bière de piètre qualité directement sortie du cooler, ressortant fièrement leur grosse bedaine d'hommes qui boivent de la bière (parce que c'est tellement viril de boire une bière en bedaine, encore plus si elle est grosse), souriant béatement, pour ne pas dire bêtement, au bonheur de la vie simple, vous savez la vie simple, quand le bonheur réside dans les petites choses de la vie telles que boire une bonne Bud pas très fraîche sur le bord d'un lac artificiel trop chaud et plein d'algues et de pipi en compagnie de kids et meuf, les lunettes de soleil de marque sur le nez en regardant la seule jolie fille allongée sur la plage, à savoir : moi.

Et je vous parle pas de la nécessaire et inévitable lifeguard cuty aux cheveux blonds et au teint bronzé qui se pavane avec sa bouée inutile, bombant généreusement le torse, la confiance en soi dans le tapis et heureuse de faire bander les mecs sur son passage.

Bref, que des clichés que j'ai observés. Pourvu que j'étais dans l'eau, tout cela prenait une tournure très romanesque.

Me voilà donc de retour dans mon inertie montréalaise. De retour dans mon marasme. De retour devant mon ordi, à guetter fébrilement ma boîte de déception. À attendre, encore et encore, de ses nouvelles.

Lecture d'été

Je suis en train de lire Martine Delvaux, Les cascadeurs de l'amour n'ont pas droit au doublage.

Je me suis dit que me plonger dans l'histoire douloureuse d'une rupture amoureuse allait peut-être m'aider à exorciser ma propre douleur, m'aider à me sentir moins seule dans ma façon de vivre l'amour.

Je suis tombée sur ce magnifique passage, dans lequel je me suis immédiatement reconnue :

Qu'on me fasse une transplantation cardiaque. Qu'on couse, à la place du mien, le coeur de quelqu'un qui ne souffre pas, un coeur dessiné d'un seul trait, un coeur calme et bien élevé, un coeur adapté à la vie familiale, un coeur qui conduit les enfants à l'école au parc au lit, qui fait les courses le ménage les repas, qui travaille en se disant que la vie est dans le bonheur des autres, les emplois du temps bien ordonnés, les pas bien agencés. Un coeur un peu naïf, un peu léthargique, un coeur qui sait ce qu'il a et qui l'apprécie, un coeur qui bat au rythme d'une vie sans heurts.

dimanche 8 juillet 2012

Les ex

Je n'ai qu'une chose à dire aujourd'hui : les hostie d'ex.

Pas les miens. Les miens se tiennent tranquilles. Les siennes, je veux dire. LA sienne.

Les ex, elles sont menaçantes, même si tu ne les a jamais vues. Parce qu'elles sont là, en background du gars dont t'essaies de t'approcher, que t'essaies de connaître, de mieux saisir. Elles sont là, à s'accrocher dans son aura. Dans ses pensées. Quelque part au fond de son coeur.

Elle est là, dans notre tête, et on l'entend nous dire : moi je l'ai eu. Il a été amoureux de moi, il m'a tout donné. Pas toi. Moi, oui.

Il est parti la rejoindre. De toutes les villes du monde où il aurait pu passer ses vacances, il a choisi celle où elle vit. Pour la revoir. Des années plus tard. Peut-être pour vérifier quelque chose.

En attendant, moi, je vais rester à Montréal, à me poser l'unique question : qu'est-ce qu'il fait en ce moment, là-bas? Est-il dans ses bras ? Et cette deuxième unique question : quelque chose aura-t-il changé lorsqu'il reviendra ? Notre nuit ensemble vendredi, était-elle la dernière ?


mardi 3 juillet 2012

La nuit de la fête du Canada

Pendant que quelques personnes agitaient leur petit drapeau du Canada, dimanche, moi j'étais en train de vivre une journée que je ne suis pas prête à oublier.

La semaine dernière, j'avais passé une si mauvaise semaine que je pense que mon humeur morose rayonnait à des kilomètres à la ronde. Enfin, ce que je veux dire, c'est que, ma face étant un livre ouvert, je m'imagine bien que c'était palpable dès qu'on me parlait.

J'avais rendez-vous avec Monsieur Z pour aller voir le match de foot Italie-Espagne, où d'ailleurs les Italiens ont subi une défaite écrasante, presque humiliante. Quelques secondes avant d'arriver à notre point de rencontre, j'ai eu envie de virer de bord. J'avais peur, encore, peur de lui, de moi, peur de ne pas être la hauteur, de commettre une erreur.

Et puis quand je l'ai vu qui m'attendait, si beau là adossé au mur, je n'ai pas pu résister. Sur une échelle de 1 à ce que vous voudrez, l'attraction a été plus élevée que la peur.

Ainsi, au fur et à mesure que les Italiens se faisaient sauvagement écraser par les Espagnols, un sentiment d'apaisement transformait mon humeur peu à peu. Non pas que je me réjouisse pour les Espagnols; d'abord, le foot, je m'en fous un peu, et puis by the way, moi, je prenais pour l'Italie, histoire de créer un peu d'adversité entre moi et mon sexy compagnon. (La rivalité, ça attise le désir, suffit de lire n'importe quel Harlequin pour y croire. Ceci dit, je ne lis jamais de Harlequin, je préfère le souligner.)

Finalement, j'ai passé une magnifique soirée avec lui, à me balader dans les rues de Montréal, à descendre la rue Saint-Laurent, bloquée par les Espagnols en liesse, à écouter les tam-tam et à flâner au Festival de Jazz. Une nuit d'été montréalaise, de celles qu'on n'oublie jamais, de celles qui nous reviennent en mémoire chaque année et qui finissent par former la définition de ce qu'on entend par "nuit d'été montréalaise" : la ride en vélo dans les rues désertés et silencieuses, la terrasse bondée du Saint-Sulpice, les soirées complètement déjantées qui finissent au levé du soleil, l'odeur des fleurs, l'insouciance généralisée, et j'en passe. Et maintenant, Lui.

J'étais si bien, avec lui, que je pense que mon bien-être rayonnait à des kilomètres à la ronde. Ce que je veux dire, c'est que dans le livre ouvert qu'est ma face, le bonheur devait être palpable, car tout le monde me souriait en me croisant.

Je me suis endormie, confortablement lovée dans ses bras, bien après que le soleil s'est levé.

Cette semaine, j'ai décidé que n'allais pas me laisser sombrer. Je sens un regain d'énergie. Je vais sortir, voir des gens, travailler, manger; bref, je vais essayer de ranimer ma vie, laissée en plan depuis des semaines. Je le sens bien.

vendredi 29 juin 2012

Dans le désert

Je viens de traverser cette semaine de la même façon que l'on traverse un long désert aride. La bouche sèche, le soleil de plomb qui rend difficile chaque mouvement, les nuits froides et opaques qui nous font sentir seuls au monde.

Un désert aride que seul le sommeil a pu vaincre. J'ai dormi, la nuit, le jour; j'ai dormi tant que j'ai pu, incapable du moindre mouvement. Le corps endolori, l'incapacité d'entreprendre quelque action ce soit, je me suis réfugiée dans mon lit en attendant que l'orage passe. J'ai voulu pleurer, mais rien n'est sorti. Alors j'ai dormi.

Le problème, c'est que, tout d'un coup, j'ai regardé devant moi. Il ne faut pas que je regarde devant moi. Quand je le fais, je ne vois pas d'issue, je me sens prise à la gorge. Financièrement, affectivement, professionnellement, toute le kit. Je me suis sentie seule, impuissante. Seule avec mon désespoir et cette douleur lancinante de savoir que je venais de m'embarquer dans une relation qui m'apporterait beaucoup d'incertitude, d'attente et d'angoisse (fucking équation A). En échange de quelques courts moments dans ses bras.

J'aurais dû prévoir le coup. J'ai pensé que j'étais plus forte, maintenant. Il faudrait quand même qu'il y ait un avantage à la trentaine: la sagesse. Mais je me suis trompée. Dès que je passe la nuit dans les bras d'un homme, j'ai mal les jours qui suivent. J'attends de ses nouvelles. J'attends, je rumine, je m'énerve, je me dis qu'il ne me redonnera pas de nouvelles, que je ne vaux rien, que je ne suis pas assez intéressante pour le retenir près de moi. Et puis je me fâche contre lui, je me dis qu'il est comme les autres (un pur salaud), alors que je le croyais différent, qu'il est comme les autres et que probablement il ne pense déjà plus à moi.

Je ne fais pas partie de sa vie. Je ne serai pour lui jamais autre chose qu'un divertissement occasionnel. Il me réserve ses journées vides, quand il n'a personne à voir. Vous savez, ces journées vides remplies de la seule certitude qu'on ne rencontrera personne. Celles-là, il veut bien les passer avec moi.

Et puis, à la force, je finis par me détester d'accorder autant d'importance à ce dont lui se fout éperdument, à savoir nous deux, ensemble. Mes pensées, ma vie entière, sont tendues vers cet unique et éphémère moment de rencontre, friable comme du papier parchemin trop usé, si fugitif qu'il en devient irréel. Je n'existe qu'à travers ces courts moments qui m'échappent de la même façon que le sable coule entre les doigts de la main lorsqu'on tente de le saisir.

Je n'existe qu'à travers des songes. Et le reste du temps, je rêve de ces songes. Aussi bien dire que mon existence ne repose que sur du vide, ou du moins sur un plancher de verre mince sous lequel s'étend un gouffre insondable.

Et je m'en veux chaque fois. Je voudrais être différente, être une autre.

J'aurai beau tout détruire autour de moi, casser toutes les assiettes de mes armoires, crier à tue-tête jusqu'à en perdre la voix; j'aurai beau courir jusqu'à ne plus sentir mes jambe, pleurer jusqu'à la nausée; le problème est que je serai toujours prise avec moi-même, "pognée" à souffrir à chacune de mes aventures. Je ne pourrai pas sortir de moi, prendre un break, me mettre de côté...

Je m'énerve moi-même.

Je suis censée le voir ce week-end, mais ma peur est si grande que je me demande si je ne devrais pas arrêter ça là.

mardi 26 juin 2012

La nuit de la Saint-Jean

Dimanche dernier, alors que tout le monde était occupé à taper des pieds et des mains sur fond de folklore québécois afin de bien ancrer en soi son identité sociale, moi j'apprenais à danser la salsa dans ma cuisine en compagnie de Monsieur Z.

Ma tête dans le creux de son bras, mon visage dans son cou, ma main sur son coeur, j'ai passé la nuit à écouter la pluie tomber et à espérer que l'aube n'allait pas se lever.

Les deux jours suivants, je suis restée dans mon lit, à essayer de garder vif en moi le souvenir de cette nuit improbable, si viscéralement attendue. Le nez enfoui dans mes couvertures, j'ai essayé de retrouver son odeur.

Et plus les jours passent, plus cette nuit magnifique se transforme en un songe volatile, dont je tente de récupérer la trace indélébile.

L'histoire sans fin d'un amour imaginaire - Partie 3 : L'anniversaire

Je vous avais dit que j'allais poursuivre cette fameuse histoire de Monsieur Z, mon amour imaginaire.

Quand je suis revenue de voyage, Monsieur Z m'a invitée à sa soirée d'anniversaire. C'était à la fin mars. Après avoir dansé jusqu'à la fermeture des bars, nous nous sommes retrouvés, seul à seule, dans sa chambre, à discuter de littérature. Nous étions assis sur son lit. Il m'a fait lire un poème de Verlaine. Je ne sais pas comment j'ai fait pour me maîtriser, mais bien qu'il m'ait invitée à dormir chez lui, je suis partie chez moi, dans le froid polaire de ce mois de mars.

Deux jours plus tard, j'ai provoqué la rupture entre mon ex (Monsieur M) et moi. J'ai compris que, pour me laisser aller dans la puissance d'un tel désir qui se développait dans une relation purement imaginaire, il fallait que je sois bien malheureuse dans ma relation réelle avec Monsieur M.

S'en sont suivis deux mois pénibles d'attente et de remises en question, que j'ai pratiquement passés au lit, incapable de quoi que ce soit d'autre. Entre l'insomnie et les crises d'angoisse à répétition, le désespoir a fini par avoir raison de moi, et j'ai bien cru que je n'allais jamais en émerger. Je n'arrivais même plus à m'accrocher à mon amour imaginaire pour rester à la surface; de toute façon, je ne faisais qu'attendre sans avoir de nouvelles. Il fallait que je passe à l'action, mais j'étais beaucoup trop fragile et vulnérable pour prendre le risque de me dévoiler.

Quoi qu'il en soit, cette soirée d'anniversaire, qui avait eu lieu dès mon retour de voyage, a été très révélatrice pour moi. Voici la lettre que j'avais écrite à Monsieur Z le lendemain de cette soirée (sans jamais la lui envoyer bien sûr) :

J’attends que ça passe, mais ça ne passe pas. Au contraire, ça s’amplifie.

Est-ce que tu le fais exprès ?

Ce que tu me fais, c’est cruel.

Je n’aurais pas dû danser avec toi, sentir ton corps si près du mien, si près. Je sens encore dans mon dos la chaleur de ta main, sur ma joue la caresse de la tienne. Sur mon corps la présence possible du tien. J’aurais voulu déposer ma main dans ton cou et te rapprocher de moi, encore plus, te sentir encore plus, juste te sentir.

Je ne sais pas si tu le fais exprès, mais moi, je souffre, et je n’en peux plus de te désirer autant.

D’avoir l’impression que tu m’envoies des signes, ambigus, si ténus que je n’ose pas les interpréter dans un sens qui me serait favorable.

C’est si dangereux, d’être dans ta chambre, avec toi. De m’avoir fait lire ce poème de Verlaine :

Green

Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches
Et puis voici mon coeur qui ne bat que pour vous.
Ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches
Et qu'à vos yeux si beaux l'humble présent soit doux.

J'arrive tout couvert encore de rosée
Que le vent du matin vient glacer à mon front.
Souffrez que ma fatigue à vos pieds reposée
Rêve des chers instants qui la délasseront.

Sur votre jeune sein laissez rouler ma tête
Toute sonore encor de vos derniers baisers;
Laissez-la s'apaiser de la bonne tempête.
Et que je dorme un peu puisque vous reposez.

Pourquoi m’avoir fait lire ça ? Peut-on donner à lire ce poème à une fille assise sur son lit à 4 heures du matin tout en restant parfaitement indifférent à elle ? Est-ce seulement possible ? Si oui, c’est d’une cruauté innommable, et alors je ne te le pardonnerai pas. Tu joues avec le feu, ou tu es naïf.

Je suis confuse. Je voudrais que tu me le dises. Je. Te. Veux.

Je  voudrais que ce soit vrai.

Pourquoi m’avoir demandé de rester à dormir ? Pure formule de politesse, j’imagine. Mais sache que, moi, je n’aurais pas pu dormir dans ton lit, ni dans ton salon; je n’aurais pas su t’avoir si près de moi sans tenter l’impossible.

Je n’aurais pas su, sagement, garder mes distances.

C’était dangereux.

J’aurais tellement voulu me perdre dans l’irréalité de ce moment. Me laisser porter par la douceur de ta présence, t’embrasser, te caresser. Te dire à quel point je te désire.



jeudi 21 juin 2012

Canicule

Hier, c'était une journée pas comme les autres.

D'abord, on annonçait très chaud. Et la promesse a été tenue.

C'est ce matin-là que le grand frère que je n'ai jamais eu a choisi pour m'appeler, de sa contrée lointaine où le vin goûte bon. Appelons-le Monsieur A. Je dis grand frère parce que lorsque je me suis exilée dans son pays, il y a déjà plusieurs années, il a veillé sur moi comme un grand frère peut le faire. Depuis que je suis revenue à Montréal, la distance creuse un fossé entre nous. Mais souvent, il me manque. Ce qu'il y a de bien, avec Monsieur A, c'est qu'on peut parler de tout. Il a une façon de concevoir le monde qui dédramatise la détresse. Je n'ai pas su retrouver quelqu'un comme lui ici.

Et puis j'avais rendez-vous le soir même avec Monsieur Z. Oui, il m'a finalement écrit. Nous sommes allés marcher près du fleuve. Malgré la canicule, on y était bien : le vent dans les arbres, le bruit des feuilles, les pieds dans l'eau, la magnifique vue sur les lumières de Montréal par une chaude nuit d'été.  Et lui à côté de moi. Quand il est à côté de moi, le temps s'arrête.

Il ne veut pas se poser de questions. Moi non plus. Pourquoi se priver d'un moment de bonheur quand il s'offre à nous, sous prétexte qu'on ne sait pas ? La vérité, c'est qu'on ne peut pas savoir, et quand on pense savoir, on ne sait pas plus. La seule chose qui compte, c'est le présent.

Je n'ai jamais autant ressenti ce présent que lorsqu'il m'a embrassée. Ça a peut-être duré quinze minutes, ou deux heures, je ne me souviens plus.

Et j'ai eu très chaud.

mardi 19 juin 2012

Human nature

Soit les équations suivantes :


A. Doute + Ambiguïté + inexpliqué = [(flou + questionnements + constructions imaginaires + fébrilité + excitation) X souffrance] X 1000

B. Croyance + savoir + expliqué + achevé = [(satisfaction + léthargie + a-créativité) x Ennui] X 1000

Selon Charles S. Pierce, logicien de la fin du XIXe siècle, la pensée humaine vacille toujours entre deux pôles : le doute et la croyance. Le doute, c'est ce sentiment diffus qu'on ressent devant l'inexpliqué, devant un phénomène qu'on n'arrive pas saisir, à maîtriser. Cet état suscite souvent un besoin d'aller de l'avant, de créer des liens, des analogies à l'aide d'une construction tout à fait imaginaire afin de combler le manque que présente ce phénomène. On se situe alors dans une sorte d'entre-deux, dans l'inconnu, en zone d'inconfort, car nous ne savons pas, mais nous créons, à partir du peu d'indices dont on dispose. Si ce pôle est source d'excitation et de fébrilité, il est cependant source d'une souffrance permanente : l'état de non-savoir est insupportable pour l'humain. C'est pourquoi il construit, cherchant des réponses à ses questions.

La croyance survient quand on a réussi à résoudre l'inexpliqué. Le phénomène est achevé, on en connaît tous les liens, les causes et les effets; il devient alors un concept maîtrisé et prévisible. Tout est mis en lumière, il n'y a plus rien à chercher. Le phénomène s'échoue sur le sable de la connaissance. Nous sommes en terrain connu, dans notre zone de confort. On se sent du coup submergé par un sentiment de satisfaction et de plénitude, bien éphémère toutefois. En effet, la croyance, moment d'arrêt bienfaisant de la souffrance, a vite fait de nous engluer dans une léthargie où règne l'a-créativité. Plus besoin de créer, puisque nous savons. Il n'y a plus de lacunes à combler. Notre esprit est au repos. Et, alors, nous sombrons dans un ennui insoutenable.

Et puis le doute revient. Et ainsi de suite, ad infinitum. C'est de cette façon que l'être acquiert de nouveaux savoirs, de nouvelles expériences, qui finissent par définir sa perception du monde, en constant mouvement. C'est donc dans la nature humaine que d'être incapable de se fixer. S'installer dans la croyance, c'est mourir. Vivre dans le doute, c'est ne jamais vivre le bonheur.

Monsieur Z me maintient dans l'équation A. C'est pour ça que je souffre autant, que je me pose autant de questions. Mais d'un autre côté, dois-je avouer, je ressens une sorte de fébrilité qui m'anime du matin au soir, ne me laissant jamais de repos. Il y a quelque chose d'agréable au fait de ne pas savoir, de pouvoir construire, de pouvoir rêver, même si derrière cette excitation s'imprègne en permanence une souffrance diffuse.

D'un autre côté, même si je tends vers l'équation B, j'ai peur d'y arriver. Oui, j'ai peur de savoir, que tout s'arrête, j'ai peur qu'il n'y ait plus rien à chercher, à découvrir, à construire. Alors, je penserai avec nostalgie à l'époque où je pataugeais dans l'équation A.

Je voudrais rester suspendue entre A et B pour toujours.