mardi 7 août 2012

Manger : passion, obsession, et signe d'espoir

Ce week-end, j'ai mangé démesurément.

Vendredi, avec cette chère amie S., nous voulions festoyer à l'événement "1ers vendredis du mois" tenu au Parc olympique. Les 1ers vendredis du mois, c'est un nouveau concept pour rentabiliser l'inutile et vaste esplanade du Stade olympique. Procédé (la Ville) : installer des roulottes de bouffe de rue un peu partout. Fonctionnement (les citoyens gourmands) : manger et boire le plus possible, car il faut tout essayer. Ainsi, j'ai mangé comme entrée un hamburger au fromage accompagné de chips maison. Ensuite, comme plat principal, j'ai goûté au fameux pulled pork de Pas d'cochon dans mon salon.

Le pulled pork : gourmandise, abondance, excès et crise de foie.

Pas besoin de vous dire qu'au lieu de dormir, cette nuit-là, j'ai digéré mes excès de gras et de viande, moi qui habituellement en mange très peu.

Le lendemain, toujours en compagnie de S. (nous voilà retournées dans notre phase adolescente: c'est devenue ma "best", on ne se quitte plus d'une semelle et on rigole en coin comme des vierges surexcitées quand on voit un beau monsieur, en s'envoyant des textos, hihihi), nous avons visité ma mère dans les magnifiques Cantons-de-l'Est. Il faisait chaud, ça sentait les vacances, on avait commencé l'apéro à 15 heures; tout se prêtait au typique repas bucolique sous les arbres au milieu des prés, dans les senteurs de foin coupé, de fleurs, de ruisseau, cheveux et robe au vent.

Bon. Vous voyez bien le portrait. Le décor parfait qui met en appétit.

Justement. On se baignait chez un ami de ma mère lorsque celui-ci s'est ramené avec une délicieuse salade et quelques bouteilles de rosé. Je dois honteusement avouer que c'est S. et moi qui avons mangé la plus grosse portion de cette salade rustique. Sans compter qu'on s'est jetées comme des droguées en manque dans les bleuets du Lac-Saint-Jean enrobés de chocolat noir. Deux cochonnes pas sortables.

C'est à ce moment-là que le voisin est apparu pour caller un BBQ. Eh bien, croyez-le ou non, nous y sommes allés, avec côtelettes d'agneau et bouteilles de rouge, et puis nous avons re-soupé jusqu'à 3 heures du matin.

Vous devez vous demander en quoi ce récit de mes excès de gourmandise est pertinent, non seulement sur ce blog, mais dans ma vie. On mange, on se fait plaisir, et basta. Pas besoin d'en faire un foin.

Eh bien justement. Cet appétit croissant et insatiable est un élément clé qui mérite d'être souligné dans le grand récit fascinant que je forge ici.

C'est signe que les choses s'améliorent. Que je vais mieux. Que je reprends plaisir à la vie. Je mange avec appétit, avec délectation, ce que je n'avais plus fait depuis longtemps.

J'ai retrouvé ma nature gourmande.

J'ai toujours mangé beaucoup, même si ça ne paraît pas avec mes 115 livres. Quand j'avais 15 ans et que je revenais de l'école à 16 heures 30, je soupais. Ensuite, je re-soupais, plus tard, vers 20 heures, avec ma mère, son chum, les enfants de son chum.

Mon frère et moi, on se battait pour la dernière portion.

De par mon éducation, j'associe l'acte de manger au bonheur, au plaisir, à la gaieté, à quelque chose de complètement opposé à la solitude.

Et c'est pour ça aussi que je mange mes émotions. Que je mange quand je m'ennuie. Que je mange pour mieux me concentrer. Que je mange tout le temps.

Le matin, j'ai hâte de me lever pour manger. L'avant-midi, je pense continuellement au repas qui m'attend. L'après-midi, je le passe en m'imaginant les mets que je cuisinerai le soir, je visualise des recettes, des ingrédients, je me projette devant une assiette remplie de quelque chose dont j'aurais envie.

Déjà, toute petite, je faisais chier ma gardienne le soir: ma mère travaillait tard, et moi, en l'attendant tristement, je voulais toujours manger, même une fois le souper terminé.

Ça ne m'était jamais arrivé de manquer d'appétit. Même quand ça va mal, parce qu'alors je mange pour me sentir mieux. Je me réfugie dans la nourriture.

Mais ça m'est arrivé pour la première fois au début du mois de mars. Je venais de perdre mon emploi. Ça n'allait pas bien avec Monsieur M, mon ex. Et puis je m'étais engouffrée dans le méandres désespérés de mes constructions imaginaires.

J'ai perdu l'appétit, petit à petit. J'ai cessé de cuisiner. Je ne mangeais plus que pour me sustenter. Quand je mangeais. Des pâtes, de l'huile d'olive, voilà ce qui a constitué bon nombre de mes repas. Le désert culinaire. Désert gustatif. Je mangeais sans enthousiasme, sans appétit, sans faim, sans aucun goût pour ce que je mastiquais et avalais.

Manger n'était devenu qu'une simple et monotone fonction vitale, exempte de toute forme de plaisir. Une contingence. Rien d'autre.

À la fin, vers mai, mon souper se réduisait souvent à deux rôties beurrées. L'image même de la solitude, du désespoir. Deux toasts, fades et ennuyeuses, dans le creux d'une assiette trop grande pour elles. Voilà ce qui remplissait mes soirées de nouvelle célibataire.

Je n'avais jamais connu le manque d'appétit. Je n'avais jamais éprouvé autant de désintérêt pour ce plaisir de tous les jours.

Sérieusement, j'ai cru que ça n'allait jamais revenir. Moi, ne pas avoir faim, c'est comme si je perdais mon propre sens, ma propre définition. Quand j'y repense, je me dis que je ne devais pas être très loin du fond pour me détourner aussi vivement, violemment, de l'acte de manger.

Heureusement, je constate aujourd'hui que je remonte la pente. Je mange beaucoup, je mange bien. Je cuisine, je reprends plaisir à faire des courses, à penser à mes repas, à m'activer entre mon frigo et ma cuisinière.

Je me sens revivre.

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