Soit les équations suivantes :
A. Doute + Ambiguïté + inexpliqué = [(flou + questionnements + constructions imaginaires + fébrilité + excitation) X souffrance] X 1000
B. Croyance + savoir + expliqué + achevé = [(satisfaction + léthargie + a-créativité) x Ennui] X 1000
Selon Charles S. Pierce, logicien de la fin du XIXe siècle, la pensée humaine vacille toujours entre deux pôles : le doute et la croyance. Le doute, c'est ce sentiment diffus qu'on ressent devant l'inexpliqué, devant un phénomène qu'on n'arrive pas saisir, à maîtriser. Cet état suscite souvent un besoin d'aller de l'avant, de créer des liens, des analogies à l'aide d'une construction tout à fait imaginaire afin de combler le manque que présente ce phénomène. On se situe alors dans une sorte d'entre-deux, dans l'inconnu, en zone d'inconfort, car nous ne savons pas, mais nous créons, à partir du peu d'indices dont on dispose. Si ce pôle est source d'excitation et de fébrilité, il est cependant source d'une souffrance permanente : l'état de non-savoir est insupportable pour l'humain. C'est pourquoi il construit, cherchant des réponses à ses questions.
La croyance survient quand on a réussi à résoudre l'inexpliqué. Le phénomène est achevé, on en connaît tous les liens, les causes et les effets; il devient alors un concept maîtrisé et prévisible. Tout est mis en lumière, il n'y a plus rien à chercher. Le phénomène s'échoue sur le sable de la connaissance. Nous sommes en terrain connu, dans notre zone de confort. On se sent du coup submergé par un sentiment de satisfaction et de plénitude, bien éphémère toutefois. En effet, la croyance, moment d'arrêt bienfaisant de la souffrance, a vite fait de nous engluer dans une léthargie où règne l'a-créativité. Plus besoin de créer, puisque nous savons. Il n'y a plus de lacunes à combler. Notre esprit est au repos. Et, alors, nous sombrons dans un ennui insoutenable.
Et puis le doute revient. Et ainsi de suite, ad infinitum. C'est de cette façon que l'être acquiert de nouveaux savoirs, de nouvelles expériences, qui finissent par définir sa perception du monde, en constant mouvement. C'est donc dans la nature humaine que d'être incapable de se fixer. S'installer dans la croyance, c'est mourir. Vivre dans le doute, c'est ne jamais vivre le bonheur.
Monsieur Z me maintient dans l'équation A. C'est pour ça que je souffre autant, que je me pose autant de questions. Mais d'un autre côté, dois-je avouer, je ressens une sorte de fébrilité qui m'anime du matin au soir, ne me laissant jamais de repos. Il y a quelque chose d'agréable au fait de ne pas savoir, de pouvoir construire, de pouvoir rêver, même si derrière cette excitation s'imprègne en permanence une souffrance diffuse.
D'un autre côté, même si je tends vers l'équation B, j'ai peur d'y arriver. Oui, j'ai peur de savoir, que tout s'arrête, j'ai peur qu'il n'y ait plus rien à chercher, à découvrir, à construire. Alors, je penserai avec nostalgie à l'époque où je pataugeais dans l'équation A.
Je voudrais rester suspendue entre A et B pour toujours.
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